Fatiha Brahimi la juge du procès Khalifa

Rigueur, ténacité, connaissance approfondie du dossier : la présidente du tribunal de Blida fait grosse impression.

Publié le 27 février 2007 Lecture : 3 minutes.

« En plus, elle ne manque pas de charme ! » Lorsque cet avocat parle de Fatiha Brahimi, la présidente du tribunal de Blida, où, depuis le 9 janvier, se déroule le procès de Rafik Khalifa, il a du mal à lui trouver un défaut. « Elle connaît le dossier à fond, mène les débats avec brio, respecte les droits de la défense et n’hésite pas à rudoyer les prévenus qui tentent de se dérober à ses questions », s’enflamme-t-il.

Apparemment, tout le monde est tombé sous le charme de cette magistrate de 47 ans, épouse d’un homme d’affaires et mère de trois enfants. Pédagogue, tenace, rigoureuse, pertinente autant qu’impertinente, Fatiha Brahimi mène son affaire de main de maître. Et quelle affaire ! Sans nul doute le plus retentissant scandale financier de toute l’histoire de l’Algérie indépendante L’arrêt de renvoi est aussi volumineux qu’un exemplaire du code pénal, le nombre des prévenus et des témoins dépasse largement la centaine, et le montant des sommes que l’ex-golden boy est accusé d’avoir détournées donne carrément le vertige : 3 milliards de dollars. Bref, mener à son terme ce procès dans lequel sont impliqués, outre les dirigeants du défunt groupe Khalifa, toute une brochette de ministres, anciens et actuels, de généraux à la retraite et de proches du chef de l’État relève presque de la mission impossible. Qui a intérêt à ce que la vérité éclate ? « Au final, Fatiha Brahimi s’en tire bien, reconnaît Arezki Ait Larbi, correspondant du quotidien Le Figaro à Alger. Son grand mérite est d’avoir acculé nombre de suspects cités comme témoins à avouer leurs forfaitures. »

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Née en 1960 dans la région de Médéa, la « dame de fer » de la justice algérienne, comme on la surnomme un peu facilement, est elle-même fille d’avocat. Titulaire d’une licence de droit obtenue à l’université de Ben Aknoun, sur les hauteurs d’Alger, elle fut successivement magistrate au tribunal de Bir Mourad Raïs, conseillère puis présidente de la chambre pénale d’Alger. Des micmacs de Rafik « Moumen » Khalifa, cette pénaliste chevronnée en connaît déjà un bout. En novembre 2003, c’est elle qui a fait condamner à un an de prison trois de ses collaborateurs, surpris, au mois de février précédent, au moment où ils s’apprêtaient à décoller de l’aéroport d’Alger, à bord du jet privé de leur patron, avec une valise contenant 2 millions d’euros.

Il y a un peu plus de six mois, Fatiha Brahimi a été mutée au tribunal de Blida, avant de se voir confier le dossier Khalifa. Cadeau empoisonné ? Un avocat y voit plutôt une sorte de consécration pour cette femme élégante, voire coquette, qui débarque au tribunal escortée de cinq voitures de police et d’une dizaine d’hommes en armes chargés de veiller sur sa sécurité. « Elle aurait pu y laisser des plumes, estime Me Khaled Bourayou, dans la mesure où la chambre d’accusation a préalablement procédé à un minutieux toilettage du dossier afin de mettre hors de cause un certain nombre de gros bonnets qui ont profité des largesses de Khalifa. Or, au contraire, elle s’est éclatée. » « C’est une femme à poigne, confirme Salima Tlemçani, journaliste au quotidien El Watan. Elle manie aussi bien l’humour et la dérision que la fermeté. »
Une anecdote est révélatrice du « style Brahimi » en matière d’interrogatoire. Il y a quelques jours, Samira Bensouda, ancienne directrice de la presse écrite au ministère de la Culture et de la Communication et ancienne responsable de l’antenne de Khalifa TV à Alger (elle est poursuivie pour abus de confiance), a tenté de la déstabiliser en lui lançant avec un air menaçant : « Ne me poussez pas à citer des noms, la presse n’attend que ça ! » Réplique cinglante de Fatiha Brahimi : « Citez tous les noms que vous voulez, vous êtes libre. J’assume mes responsabilités, assumez les vôtres. »

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