Et si la Logan sauvait Renault ?

Ses ventes sont un recul. Mais la marque au losange dispose dans sa manche d’un atout que lui envient les autres constructeurs.

Publié le 27 février 2007 Lecture : 4 minutes.

Carlos Ghosn possède un talent rare : il inspire confiance. L’heure est pourtant cruelle. En l’espace d’un an, les ventes mondiales de Renault ont chuté de 4 %. Le recul est pire encore en Europe : – 9%. Mais dans la tempête que traverse le premier constructeur français, son timonier donne le sentiment de tenir bon la barre. Il s’exprime avec des mots simples, une voix égale, un visage impénétrable. L’essentiel, chez lui, tient en sa capacité à annoncer des objectifs chiffrés à court terme, et à fixer rendez-vous à cette date pour être jugé : 800 000 voitures de plus en 2009, 6 % de marge nette.
Ce langage, à la fois volontariste et concret, plaît aux financiers. Qui ont de surcroît noté que, malgré la baisse des ventes et du chiffre d’affaires, la marge nette de Renault est restée en 2006 à bon niveau, comme Ghosn s’y était engagé : 2,8 %. Ce premier écueil est donc franchi : le public a certes sanctionné Renault, en achetant moins, mais la Bourse continue de soutenir le constructeur français. Reste un deuxième obstacle. Car Ghosn le sait, qui préfère d’ailleurs prendre les devants et l’annoncer : l’année 2007 sera mauvaise pour Renault. La gamme est vieillissante, les nouveaux modèles tardent à venir : Twingo en juin, Laguna à l’automne. Ce retard dans le « plan produits », comme disent les constructeurs, est explicable. Renault a beaucoup investi sous l’ère Schweitzer : prise de contrôle de Nissan, rachat de Samsung et Dacia, projet Logan avec son cortège d’usines installées sur toute la planète. Des hommes et des capitaux ont quitté la maison mère. Le renouvellement des modèles s’en est trouvé ralenti. Mais Ghosn promet des lancements à foison à partir de 2008. Et, surtout, il a un atout dans la manche, tel qu’aucun autre constructeur n’en possède : la Logan.
Au début, il n’y croyait pas, lui qui a toujours préféré les marges bénéficiaires aux volumes de vente. Dès lors, pour Ghosn, il n’était qu’une planche de salut pour Renault : le haut de gamme, royaume où le client discute moins les prix. Son prédécesseur, Louis Schweitzer, avait toutefois remarqué cette anomalie : 20 % de la population mondiale se partage 80 % de la production automobile. Le mouvement n’était pas près de s’inverser puisque l’industrie automobile avait choisi la voie du « toujours plus » : modèles mieux équipés, cylindrées plus grosses. Et tarifs en conséquence plus élevés.
Schweitzer a décidé d’aller à l’inverse de ce vent dominant : un véhicule dépouillé, aux solutions techniques éprouvées, répondant aux besoins d’une population jusqu’alors privée de voitures neuves. Pas une mini-urbaine de 3,50 m et deux portes, comme les Coréens en font. Non, une familiale de 4,25 m, vendue à prix d’ami. Le coup est parti de loin. D’abord, en 1998, Schweitzer a racheté Dacia, constructeur roumain moribond. À l’époque, chacun s’est demandé quelle mouche l’avait piqué. Schweitzer avait son idée en tête. Il lui fallait une marque pour la porter. Ensuite, il a demandé à ses ingénieurs d’oublier ce qu’ils savaient de l’automobile, de retrouver les vertus de la simplicité. Ainsi est née la Logan, en 2004. Certains l’ont trouvé laide, avec son coffre proéminent quand la mode était aux modèles bicorps à hayon. Elle avait la beauté de l’intelligence.
Depuis, Schweitzer est parti. Mais quand il fait les comptes du groupe Renault, son successeur est bien aise de trouver des Logan pour combler les trous : 23 000 vendues en 2004, 145 000 en 2005, 247 000 en 2006. Et la Logan n’a pas encore donné toute sa mesure. Pour l’heure, elle est construite dans quatre pays : Roumanie, Russie, Maroc et Colombie. En 2007, trois nouvelles usines entreront dans la danse : en Iran, en Inde et au Brésil. Les chiffres prévisionnels donnent le vertige : 400 000 Logan en 2007, plus de 1 million en 2009. Dans le détail, 300 000 montées en Roumanie, 250 000 en Iran, 200 000 au Brésil, 160 000 en Russie, 70 000 en Inde, 30 000 au Maroc, 20 000 en Colombie.
Certes, il est aisé d’aligner sur le papier des objectifs de production. Surtout quand l’Iran est sous la menace d’un embargo international. Mais dans le cas de la Logan, ils sont plausibles. Le modèle de base vient d’être enrichi de deux nouvelles versions : un break 7 places et sa déclinaison utilitaire. De surcroît, la demande était jusqu’à présent supérieure à l’offre. Renault n’a donc rien fait pour pousser les ventes de la Logan en Europe de l’Ouest. Et sa production en Inde, avec volant à droite, permet désormais son introduction sur des marchés présentant la même caractéristique : Angleterre, Australie, Afrique du Sud où Renault n’exclut pas de monter une chaîne de montage de la Logan dans l’usine Nissan de Pretoria.
Face à ce déferlement, que fait la concurrence ? Elle ripostera, bien entendu. Mais n’a encore rien montré. Et pour incarner un projet comme la Logan, il faut une marque ombrelle, comme Dacia, dans un pays aux faibles coûts salariaux mais à tradition automobile. L’oiseau est rare. Dans ces conditions, jusqu’en 2009 au moins, Renault peut dormir sur ses deux oreilles.
À la lumière des objectifs assignés à la Logan, les prévisions de Carlos Ghosn pour le groupe Renault prennent un autre relief : 800 000 voitures de plus en 2009, avait-il affirmé en 2005. À l’époque, le groupe avait produit 2,5 millions de véhicules, dont 2,4 millions de Renault. La barre est donc fixée à 3,3 millions, dont 1 million de Logan et environ 150 000 Samsung. Il resterait 2,15 millions de Renault. Encore moins qu’aujourd’hui
Ainsi, le recul de la marque Renault est-il quasiment programmé. Car Carlos Ghosn entend la faire monter en gamme, continuer à réduire les rabais et autres fausses ventes qui bonifiaient artificiellement les ventes ces dernières années. Il n’a rien oublié de son premier credo, la marge unitaire. Il l’a juste enrichi. À l’avenir, Ghosn fera de la marge avec Renault et du volume avec Logan.

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