Désirs d’avenir

Tentée par l’émigration, la nouvelle génération attend du prochain chef de l’État qu’il mette fin au chômage et au clientélisme. Témoignages.

Publié le 27 février 2007 Lecture : 3 minutes.

La Mauritanie connaîtra fin mars son nouveau président. S’ils ne soutiennent encore aucun candidat, les jeunes Mauritaniens ont une idée bien précise de ce que devra faire le futur chef de l’État. « Débarrasser le pays des années d’injustice, espère Mohamed Sidi, âgé d’une trentaine d’années. La culture clientéliste qui prévaut ici ne nous permet pas de valoriser nos compétences. Nous avons besoin de quelqu’un qui assainira l’espace politique. »
Dans les milieux culturels, le constat n’est pas moins amer. Mokhis, président de l’Association des artistes plasticiens, regrette que le métier qu’il exerce soit autant méprisé. « Il est intolérable qu’on continue à nous considérer comme des va-nu-pieds », s’emporte-t-il, tout en espérant un réel soutien du prochain gouvernement. Car il en est sûr : « La communauté artistique peut développer des industries culturelles qui feront rayonner notre pays. » Même son de cloche à la Maison des cinéastes, dirigée par Toutou : « Nous devons être associés à toutes les décisions. Il est nécessaire d’interroger la jeunesse sur les projets qui lui sont destinés. » Ciré Camara, propriétaire de l’Espace Tabara-Camara, premier centre culturel privé du pays, va plus loin. « La Mauritanie est un pays multiculturel. On y trouve des Maures, des Peuls, des Soninkés, des Wolofs et des Bambaras. Nous attendons donc du futur président qu’il fasse de cette diversité le ciment de notre société. Que chacun soit libre d’entreprendre et puisse accéder aux emplois de la fonction publique, quelle que soit sa tribu d’origine ou sa couleur de peau. » Écrivain, conteur, chanteur-compositeur, Ciré Camara, qui a vécu quinze ans en France où il a suivi des études de sociologie, publié des livres et enregistré deux albums, a rencontré toutes les difficultés pour ouvrir un centre culturel en Mauritanie. À force de persévérance, il est parvenu à en faire un lieu de rencontre pour les artistes talentueux, sans distinction d’appartenance ethnique. On y trouve une bibliothèque, une salle de jeux, une autre pour les formations à l’usage d’Internet. L’Espace Tabara-Camara abrite également des expositions, des concerts ou encore des projections de films. « Je suis persuadé que les jeunes vont peser dans la balance de la prochaine présidentielle, affirme Ciré Camara. Nous attendons du futur chef de l’État qu’il uvre pour la réconciliation des fils du pays. »
Sortir le pays du chômage, rétablir l’équilibre entre les différentes communautés Les attentes sont concrètes. Après avoir suivi des études de droit en Tunisie, Cheikh Brahim pensait trouver du travail facilement au pays. « J’ai présenté ma candidature pour un poste à pourvoir dans l’administration. Mais, finalement, celui qui a été sélectionné est membre de la même tribu que celui qui était chargé du recrutement. Je persiste à croire, naïvement, que si les autorités nous offrent des bourses, c’est pour assurer la relève » Pour les mêmes raisons, Habibatou Wane a regagné la Mauritanie, après des études de sociologie en France. « Je suis convaincue qu’il y a des choses à faire ici, martèle-t-elle. Et qu’il nous faut briser le mythe selon lequel l’avenir serait meilleur ailleurs. » Reste que Habibatou cherche toujours du travail. Selon Abdellahi Ould Awah, professeur d’économie à l’université de Nouakchott, « partir devient une obsession pour les étudiants. Beaucoup s’inquiètent de voir leurs aînés sans emploi ou exerçant des métiers qui n’ont rien à voir avec leur formation. »
Pour Hanefi Isselmou, président de l’Union sociale et démocratique, la balle est dans le camp des autorités. « Notre administration conserve des réflexes clientélistes. Plus que les jeunes, c’est la nation tout entière qui attend du prochain président qu’il mette fin à cette pratique. Si rien n’est fait, la Mauritanie laissera échapper sa jeunesse déjà en proie au mirage de l’immigration. »

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