Amina

Chanteuse franco-tunisienne

Publié le 27 février 2007 Lecture : 3 minutes.

Une petite allée en plein Montreuil, à l’est de Paris. On pousse le portail sur lequel est indiqué le nom d’Amina Annabi. Un chat attend devant la porte où l’on s’apprête à sonner ce samedi matin à l’heure des croissants. La porte à peine ouverte, l’animal s’engouffre le premier. Apparaît Amina. On a la gênante impression de l’avoir tirée du sommeil, mais son grand sourire efface le malaise. Elle nous demande de nous déchausser et de la suivre. On traverse un salon et l’on se croit un instant chez Shéhérazade. La cuisine où nous nous installons est tout aussi délicieusement kitsch. La maison d’Amina ressemble à ses musiques, tout à la fois métissées, gaies et nostalgiques.

Elle propose de préparer un thé à la menthe parfumé à la cardamome. « Je sais que ce n’est pas la recette classique, mais c’est comme pour la musique, je ne peux pas m’empêcher de faire des mélanges », explique la chanteuse, qui a vu le jour à Carthage, près de Tunis, en 1962. Son enfance, passée d’abord en Tunisie puis en Algérie avant son arrivée en France à 13 ans, est bercée de malouf et de chansons d’Oum Kalsoum. Dans les années 1980, lorsqu’elle prend le micro, c’est pour chanter du rap en arabe. Aujourd’hui, si elle retourne aux grands classiques, c’est pour en livrer des versions jungle résolument innovantes à la manière d’un Rachid Taha ou d’une Natacha Atlas. Accompagnée du Dj Yucef, elle reprendra par exemple le célèbre « Inta Omri » d’Oum Kalsoum.

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Le thé est servi. On le déguste en écoutant « Ya Benti », un des titres qu’elle enregistre en ce moment avec le collectif londonien Asian Dub Foundation. Alors, pour bientôt le prochain album ? « Je ne sais pas. Je n’ai plus de maison de disques, mais j’imagine qu’il sortira à Londres. À l’étranger, en Angleterre en particulier, de plus en plus de groupes s’intéressent à la musique arabe, orientale ou du Maghreb. Il y a une réelle curiosité pour ce que font de nouveaux créateurs qui se servent de leurs racines et de leur vécu en Europe, ce que je ne sens pas en France », lâche-t-elle.
Elle semble loin l’année 1991 où Amina représentait la France à l’Eurovision et remportait le Grand Prix avec « Le dernier qui a parlé », composé par le Sénégalais Wassis Diop. Si elle a déserté les salles hexagonales ces dernières années, la plantureuse artiste n’a jamais cessé de se produire ailleurs : en Suède, aux États-Unis, au Soudan mais aussi en Éthiopie, en Jordanie, au Mozambique, en Suède, en Inde, en Turquie, au Maroc, en Italie Pas plus tard qu’en septembre dernier, elle était à l’affiche d’un opéra pop concocté par les membres de Asian Dub Foundation, Gaddafi : a Living Myth, au Coliseum de Londres.
Si elle n’a pas enregistré depuis belle lurette, c’est qu’elle avait « envie d’être libre et de ne faire que de la scène ». « Il y a eu des périodes où j’ai choisi de privilégier ma vie privée », poursuit celle qui est avant tout une femme de passions à mille lieues des ambitions carriéristes et des choix stratégiques. Le dernier des quatre albums qui constituent sa discographie remonte à 2001, et c’était une compilation de ses meilleurs titres. Il serait temps, si elle ne veut pas sombrer dans l’oubli, qu’elle sorte un cinquième opus, mais elle semble cette fois décidée à s’y atteler.

Elle aimerait également poursuivre sa carrière cinématographique marquée notamment par Un thé au Sahara (1990) de Bernardo Bertolucci et rêve de rôles qui la changeraient de ceux qu’on lui propose habituellement. Elle voudrait se glisser dans la peau d’un personnage de science-fiction dont la voix aurait le pouvoir de modifier les molécules En attendant, elle prépare son propre film, un documentaire réalisé en tandem avec la cinéaste Anne Paris. Il retrace sa « vie de femme et [sa] vie d’artiste » et montre comment « [sa] voix a donné un sens à [sa] vie ». Dans cet autobiopic en gestation depuis dix ans, on la voit chanter dans les rues de New York, mais on la suit aussi dans ses pérégrinations en Afrique du Sud, en Inde, etc. Des projets et des rêves, Amina en a à la pelle. Un conte pour enfants, passer six mois en Inde Et « chanter en arabe dans un film de Bollywood ». Grand éclat de rire qui fait ronronner le chat.

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