[Chronique] L’Afrique, l’eldorado de la nicotine made in Europe

Une enquête établit ce que chacun pouvait savoir : les cigarettes vendues en Afrique sont plus toxiques que celles fumées en Europe. Quid du responsable de cet empoisonnement ?

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Publié le 25 janvier 2019 Lecture : 2 minutes.

Taux de nicotine, de monoxyde de carbone et de particules totales : à quantité de cigarettes égale, les Africains fument davantage de composants toxiques que les Européens. La presse africaine –singulièrement marocaine et sénégalaise – relaie, ces derniers jours, un prix d’investigation remis par l’ONG Public Eye qui, elle-même, relaie l’enquête de la journaliste française Marie Maurisse sur la composition des tiges à tabac « made in Switzerland » réservées à l’exportation vers les pays du Sud. Le constat est sans appel : les cigarettes consommées en Afrique sont plus toxiques que celles fumées en Europe.

Une pratique… légale ?

Scandale ? La réaction commode des cigarettiers rassure autant qu’elle inquiète : la pratique n’est pas illégale. La conformité avec les lois du continent africain rassure, éloignant le spectre d’une arnaque complotiste. Mais le double standard en matière de composition des paquets à fumer est aussi ce qui effraie, conduisant l’auteure de l’enquête à qualifier les géants du tabac d’immoraux et irresponsables, à défaut de « délictueux ».

Qui n’a pas observé, en Afrique, un fumeur fauché ne pas remettre son achat à plus tard, pour la simple raison que la vente « au bâton » lui donne accès au précieux poison ?

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Nul besoin d’être un mordu d’extrapolation mathématique pour comprendre le danger d’une fatale combinaison : les fumeurs africains fument, à l’unité, plus de composants toxiques, alors qu’ils en « grillent » des quantités de plus en plus importantes. Selon le dernier rapport de l’Atlas du tabac, le tabagisme continue d’augmenter sur le continent, alors que les pays du Nord réfléchissent sans cesse à l’extension des espaces interdits aux fumeurs, à l’augmentation de taxes dissuasives ou à des techniques de sensibilisation de plus en plus rebutantes, comme l’impression, sur les paquets, de clichés de poumons nécrosés ou de bouche cancérisées.

>>> À LIRE – Afrique subsaharienne : la consommation de cigarettes a progressé de 52 % entre 1980 et 2016

Qui n’a pas vu un touriste européen faire le plein de cartouches de cigarettes bon marché dans de nombreux pays du Sud ? Qui n’a pas observé, en Afrique, un fumeur fauché ne pas remettre son achat à plus tard, pour la simple raison que la vente « au bâton » lui donne accès au précieux poison ? Qui n’a pas suivi les campagnes de sponsoring souvent greffées à des événements musicaux, voire – association improbable – à des manifestations sportives prônant l’entretien optimal de son corps ? L’OMS prévient : parmi les 77 millions de fumeurs en Afrique, les décès liés au tabac devraient doubler d’ici 2030.

Pourquoi les limites d’émission pour les cigarettes sont-elles, sur le continent, plus laxistes qu’ailleurs ?

La cigarette, le troisième opium du peuple ?

Hélas, si l’Afrique est l’eldorado d’une nicotine diabolisée au Nord, c’est qu’elle est le réceptacle de toutes sortes de junk products qui naviguent sur l’axe produits périmés/contrefaçons. Et comme la cigarette, certaines de ces références commercialisées sont addictives, à l’instar des médicaments.

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Les regards se tournent alors vers les législateurs africains : pourquoi les limites d’émission pour les cigarettes sont-elles, sur le continent, plus laxistes qu’ailleurs ? Manque de concentration de ministres submergés par tant d’enjeux de santé ? Goût des taxes nombreuses à défaut d’être élevées ? Influence du lobbying ? La cigarette serait-elle le troisième opium du peuple, après la religion vue par Karl Marx et la bière, autre produit « intouchable » ?

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