Gastronomie : Albert Malongo Ngimbi distingué par le guide Michelin

Officiant dans le restaurant étoilé la table Saint-Crescent, à Narbonne, le jeune homme d’origine martiniquaise et congolaise a reçu le prix 2019 du meilleur sommelier. Une belle consécration pour cet amoureux des vins blancs.

Albert Malongo Ngimbi a reçu le premier prix Michelin des sommeliers 2019. © DR

Albert Malongo Ngimbi a reçu le premier prix Michelin des sommeliers 2019. © DR

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 25 janvier 2019 Lecture : 4 minutes.

Il ne s’y attendait pas, Albert Malongo Ngimbi, à être sacré meilleur sommelier de France par le guide Michelin ! « Je ne vous cache pas que cela a été une grande surprise, confie-t-il. À la Table Saint-Crescent, nous avions reçu une invitation pressante pour venir à la cérémonie de remise des étoiles 2019, le 21 janvier. Pour être honnête, nous espérions décrocher notre deuxième étoile… Et puis c’est la sommellerie qui a été mise en avant ! » Dans la voix du jeune homme de 25 ans – il est né à Béziers en décembre 1994 – l’émotion est encore palpable.

Certains journaux l’ont présenté comme réunionnais : vérification faite, il est né d’une mère martiniquaise et d’un père congolais de Kinshasa. Drapé dans nos clichés, on pense aussitôt rhum et vin de palme, plutôt que bourgogne et bordeaux. Les éléments qui président à une destinée sont, évidemment, bien plus complexes.

la suite après cette publicité

Communion dominicale

Mais Albert Malongo Ngimbi le reconnaît volontiers, ses parents et son enfance ne sont pas pour rien dans les choix qui guident aujourd’hui sa vie. « Indirectement, mon intérêt pour le vin vient de mes parents, raconte-t-il. J’ai toujours particulièrement apprécié les rendez-vous dominicaux du dimanche midi, au cours desquels l’on prenait du bon temps en oubliant les problèmes de chacun. Un repas de midi simple, après la messe, au cours duquel nous mangions tous ensemble, un moment de pur bonheur, de communion. C’est ce qui m’a poussé vers les métiers de la salle. »

En toute logique, il s’oriente vers un BEP puis un Bac hôtellerie-Restauration. Et c’est au cours de ces formation qu’il apprend à déguster, n’étend pas tombé tout petit dans le ballon de rouge. « Au début, je ne voulais pas du tout être sommelier », avoue-t-il. Et ce pour une raison bien précise : ses expériences lui donnent l’impression qu’il s’agit d’une caste de gens hautains, prêts à dégainer leur incroyable somme de connaissances pour vous assommer. Il n’empêche, il est aujourd’hui titulaire d’un BP en sommellerie du Centre de formation des apprentis (CFA) de Béziers.

Les formations aux métiers de la salle impliquent en général de nombreux stages en entreprises, et des boulots d’été comme saisonnier. Apprenti en alternance au restaurant l’Ambassade, il gagne la confiance de Karim Rabatel, qui le forme à la sommellerie.

la suite après cette publicité

Le goût de la poésie

En 2014, Ngimbi commence à travailler pour la table Saint Crescent de Narbonne (Aude), restaurant étoilé dirigé par Lionel Giraud. Le jeune homme a alors dans l’idée de s’orienter vers un BTS commercial Vins et spiritueux. Mais il prend beaucoup de plaisir à travailler en salle… et un hasard de la vie le pousse à prendre une décision différente : le sommelier en place à la table Saint Crescent décide de partir.

Sur proposition de Lionel Giraud, Albert Malongo Ngimbi accepte de le remplacer. « J’ai laissé tomber la carrière commerciale…. Je me serai éloigné du côté émotionnel de la sommellerie », soutient l’échanson. À lui, donc, la lourde tâche d’accorder plats et vins, piochant dans quelques 150 à 200 références disponibles à la carte.

la suite après cette publicité

Imaginez un peu. Quel vin choisir pour accompagner le « civet de poulpe des côtes narbonnaises mijoté au foie gras, betteraves cuites sur des braises de genévrier, de la racine à la feuille » ? Ou bien encore « l’huître de « Pascal Migliore », poireaux crayons de l’Estarac juste grillés en transparence de lard « Noir de bigorre », onctueuse crème de tétragone et seigle grillé » ?

J’adore le vin rouge, mais je suis un fanatique du vin blanc pour son coté très épuré, très soyeux

Être à la hauteur de la poésie et du goût, pas une mince affaire. « Je crois qu’il faut savoir rester humble et simple, indique Ngimbi. Même si l’on doit s’appuyer sur une vaste étendue de connaissances, il faut savoir faire plaisir. » Ouvert au nombreux terroirs français, il se dit particulièrement attaché à sa région, le Languedoc, qu’il « travaille » au quotidien et dont il apprécie le rapport qualité/prix. « Si je vais dans un restaurant alsacien, j’ai envie de découvrir les vignobles alentours, du coup cela me paraît normal de faire découvrir ceux qui se trouvent ici. »

Pour la cuisine tournée vers la mer de Lionel Giraud, Ngimbi doit savoir jouer avec une carte éphémère qui privilégie le respect de l’environnement. « J’adore le vin rouge, mais je suis un fanatique du vin blanc pour son coté très épuré, très soyeux », dit celui qui avait déjà reçu le trophée Jeune Talent Service en Salle Sud-Ouest 2018 du Gault&Millau.

Évidemment, dans le monde du vin, un métis aux origines africaines, c’est plutôt une originalité. Alors, on ose la question à celui qui n’a jamais mis les pieds ni en Martinique, ni au Congo : a-t-il souffert du racisme, au cours de sa courte carrière ? « De la part de la clientèle, je n’en ai jamais senti. Mais je ne cache pas que mon jeune âge a parfois suscité la suspicion. En ce qui me concerne, je n’impose rien, j’essaie d’être le plus possible à l’écoute des clients. » C’est peut-être cette humilité qui a su séduire les inspecteurs du guide Michelin.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires