RDC : libération des prisonniers politiques, lutte contre la corruption… Les engagements de Félix Tshisekedi

Le nouveau président de la République démocratique du Congo a pris une série d’engagements lors de son discours d’investiture. Tour d’horizon des priorités que Félix Tshisekedi s’est fixé pour le mandat qui s’ouvre à lui.

Félix Tshisekedi, brandissant la Constitution de la RDC lors de son investiture, le 25 janvier 2019 à Kinshasa. © Jerome Delay/AP/SIPA

Félix Tshisekedi, brandissant la Constitution de la RDC lors de son investiture, le 25 janvier 2019 à Kinshasa. © Jerome Delay/AP/SIPA

Publié le 25 janvier 2019 Lecture : 6 minutes.

Le nouvel homme fort de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi a pris possession du palais présidentiel ce vendredi, après un tête-à tête avec son prédécesseur Joseph Kabila. Celui qui a promis d’œuvrer à la construction d’un pays qui « ne sera pas un Congo de la division, de la haine ou du tribalisme » a formulé une série de promesses lors de son discours d’investiture, jeudi.

Retour sur les principaux engagements du nouveau président de la RDC, qu’il devra mettre en oeuvre dans un contexte politique contraint. Le Parlement échappe en effet à la coalition qui a porté Félix Tshisekedi au pouvoir – les députés pro-Kabila sont majoritaires à l’issue du scrutin législatif du 30 décembre – et le nouveau président congolais ne devrait contrôler directement qu’une partie de la machine gouvernementale.

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Libérer les prisonniers politiques

Une patrouille de police dans les rues de Kinshasa, le 17 mai 2017. © John Bompengo/AP/SIPA

Une patrouille de police dans les rues de Kinshasa, le 17 mai 2017. © John Bompengo/AP/SIPA

Le ministre de la Justice sera chargé de recenser tous les prisonniers politiques en vue de leur prochaine libération

C’est l’une de ses promesses de campagne. Félix Tshisekedi l’a réitéré à la tribune lors de son investiture : « Le ministre de la Justice sera chargé de recenser tous les prisonniers politiques, d’opinion ou assimilés sur l’ensemble du territoire national en vue de leur prochaine libération », a-t-il annoncé.

En tant que président de la République, Tshisekedi « dispose du pouvoir discrétionnaire de gracier des personnes condamnées et de diminuer, reporter ou même annuler les peines prononcées, quelle que soit la nature des faits reprochés », rappelle Me Georges Kapiamba, qui dirige l’Association congolaise pour l’accès à la Justice (ACAJ).

De fait, l’article 87 de la Constitution, qui stipule que « le président de la République exerce le droit de grâce » et qu’il « peut remettre, commuer ou réduire les peines « , n’apporte aucune limitation à l’exercice de cette prérogative. Et si, toujours selon la Constitution révisée en 2011, le Conseil supérieur de la magistrature doit être consulté, c’est uniquement par le biais d’un « avis » sur les « recours en grâce ».

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Parmi les cas emblématiques figurent ceux de Eugène Diomi Ndongala, Firmin Yangambi et de Moïse Katumbi. Ce dernier, contraint à l’exil depuis plus de deux ans, n’est cependant pas accessible à une grâce présidentielle, n’ayant pas été définitivement condamné.

Au fil de ses dix-huit années de mandat, Joseph Kabila a exercé ce droit de grâce à plusieurs reprises, graciant des personnes condamnées pour avoir participé à des rébellions, des anciens miliciens ou encore des hommes politiques et même des religieux.

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>>> À LIRE – RDC : les condamnés du procès Laurent-Désiré Kabila exclus de la grâce présidentielle

• Éradiquer les groupes armés

Un militaire des Forces armées de la RDC (FARDC). © MONUSCO

Un militaire des Forces armées de la RDC (FARDC). © MONUSCO

Nous prenons l’engagement de favoriser une coopération étroite entre les Forces armées de la RDC et la Monusco

Félix Tshisekedi a promis « la pacification de tout le territoire national en accélérant la lutte en vue de l’éradication des groupes armés ». « Nous prenons ici l’engagement de favoriser une coopération étroite entre les Forces armées de la RDC et la Monusco en vue d’éradiquer toutes les forces négatives actives dans notre pays ».

Près d’une centaine de ces groupes sévissent dans le pays, en particulier dans les provinces de l’Est, où des pans entiers du territoire échappent au contrôle de l’État. Le Nord-Kivu, où les populations sont régulièrement victimes d’attaques attribuées aux rebelles ougandais de l’ADF, est particulièrement touché.

>>> À LIRE – RDC : qui sont les groupes armés qui sévissent au Nord-Kivu ?

« Il y a des mesures simples que Félix Tshisekedi peut prendre rapidement, comme la redynamisation du processus DDR [Désarmement, démobilisation et réintégration, NDLR] sur lequel les bailleurs de fonds seront prêts à le soutenir », estime Jason Stearns, directeur du groupe d’Etudes sur le Congo (GEC), qui avance également la nécessité de « lancer des pourparlers avec les groupes armés qui s’étaient ouvertement opposés à Joseph Kabila, comme le CNPSC ou l’APCLS » parmi les mesures que le nouveau président peut prendre rapidement.

L’expert américain souligne cependant que Félix Tshisekedi devra « se confronter aux réseaux mafieux présents au sein des forces armées, qui sont étroitement liés au proche du président sortant ».

Pour Jason Stearns, un autre défi attend le président congolais : « Rendre plus efficaces les forces de sécurité, et réduire les abus qu’elles commettent lorsqu’elles interviennent face aux groupes armés, dont l’effectif, pour les groupes les plus nocifs, varie entre 200 et 400 combattants. »

• Lutter contre la corruption et l’évasion fiscale

Des cambistes de rue, à Kinshasa, en 2017. © John Bompengo pour Jeune Afrique

Des cambistes de rue, à Kinshasa, en 2017. © John Bompengo pour Jeune Afrique

Le président congolais a promis une stratégie de lutte contre la corruption dans l’ensemble des rouages de l’Administration publique

« Chaque année, nous subissons entre 16 et 20 milliards de dollars d’évasion fiscale, soit quatre fois notre budget annuel », a lancé Félix Tshisekedi, qui s’est donné pour objectif « d’inverser la tendance ».

Le président congolais a également affirmé vouloir « renforcer en premier lieu la lutte contre la corruption, fléau qui dévaste notre pays, ses institutions et ne protègent pas les créateurs de richesse » en lançant « une stratégie de lutte contre la corruption dans l’ensemble des rouages de l’Administration publique ».

Des sommes « souvent accaparées par des élites politiques qui étaient au pouvoir jusqu’à maintenant », estime encore Jason Stearns, qui juge nécessaire « le remplacement de ces gens dont, probablement, certains doivent être traduits en justice ».

>>> À LIRE – RDC : un fidèle de Kabila à la tête du gouvernement ?

Sauf que Félix Tshisekedi a promis de « privilégier la réconciliation » et de « ne pas [s’]attaquer aux gens qui étaient au pouvoir sous Kabila ». Une ligne qu’il a réitéré lors de son discours, se disant « convaincu de l’urgence de mettre en place rapidement une véritable procédure d’écoute et de dialogue dans l’ensemble du pays en prélude à un Forum de réconciliation ».

• Recenser les populations pour rééquilibrer le développement

En mai 2015 à Nyunzu, au Katanga, en RDC. © Photo MONUSCO/Abel Kavanagh

En mai 2015 à Nyunzu, au Katanga, en RDC. © Photo MONUSCO/Abel Kavanagh

Ni l’ONU, ni la Banque Mondiale, ni les autorités congolaises ne savent combien d’habitants vivent aujourd’hui en RDC. Le dernier recensement dans le pays remonte de 1984 et les estimations oscillent entre 70 et 80 millions d’habitants aujourd’hui.

Félix Tshisekedi a promis de « réaliser très rapidement un recensement sur tout le territoire », avec un objectif principal : mieux planifier le développement, et en particulier rééquilibrer les inégalités de traitement entre provinces. « Notre système de transfert des recettes fiscales est inégalitaire », a jugé le président congolais, estimant que « la rétrocession à la source de 40% des recettes fiscales aux provinces constitue une source de déséquilibre ».

Il entend donc mener un « rééquilibrage », sur la base de « critères objectifs applicables à l’ensemble des provinces », parmi lesquels la démographie.

Joseph Kabila avait crée l’ONIP (Office nationale pour l’identification de la population), dont il a nommé les dirigeants en 2014. Mais cette institution n’a pas reçu les moyens promis, suite au blocage d’un projet de révision de la loi électorale. Celle-ci, conditionnait la tenue des élections en 2016, après le recensement de la population… Y voyant une manœuvre pour retarder faire glisser le calendrier électoral, l’opposition avait organisé des manifestations dès 2015 et bloqué la loi.

>>> À LIRE – Démographie : trois pays africains parmi les dix plus peuplés du monde en 2050

L’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi pourrait changer la donne. « Nous pouvons faire le recensement en douze mois records si les moyens suffisants sont mis à notre disposition », assure à Jeune Afrique un membre du Conseil d’administration de l’ONIP, sous couvert d’anonymat, insistant par ailleurs sur le fait qu’il y a « beaucoup de partenaires prêt à accompagner la RDC dans ce domaine. »

• Promulguer une nouvelle loi électorale

A l'entrée d'un bureau de vote de Kinshasa, le 30 décembre 2018. © Jerome Delay/AP/SIPA

A l'entrée d'un bureau de vote de Kinshasa, le 30 décembre 2018. © Jerome Delay/AP/SIPA

Tshisekedi veut une nouvelle loi électorale garante de l’équité pour tous les citoyens

S’il a salué le fait que « pour la première fois, [la RDC] a organisé sur fonds propres, sans la moindre contribution financière extérieure, une triple consultation électorale », et salué la Ceni, Félix Thisekedi a également reconnu que le « dispositif électoral mérite des ajustements ».

Il a promis « l’adoption d’une nouvelle loi électorale garante de l’équité pour tous les citoyens ». Sans s’étendre sur le contenu de cette réforme qu’il compte mettre sur les rails, il a cependant posé le cadre à grands traits. Dans la « véritable modernisation de notre système politique » que Félix Tshisekedi entend amorcer, « les formations politiques doivent transcender les clivages ethniques et sociologiques ».

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