Tunisie : le procès de l’attentat du Bardo entre dans le vif du sujet

Le procès de l’attentat qui avait fait 22 morts dans le musée du Bardo en 2015 est entré le 25 janvier dans le vif du sujet, avec les auditions de plusieurs complices présumés qui permettent d’entrevoir le profil des jihadistes.

L’attentat du musée du Bardo, à Tunis, le 18 mars 2015, a fait 22 morts. © Hassene Dridi/AP/SIPA

L’attentat du musée du Bardo, à Tunis, le 18 mars 2015, a fait 22 morts. © Hassene Dridi/AP/SIPA

Publié le 26 janvier 2019 Lecture : 3 minutes.

Ouvert à la mi-2017, le procès s’était consacré jusque là à des questions de procédure, dont celles concernant la retransmission à Paris par visioconférence du procès à la demande des victimes françaises.

Lors de la sixième audience vendredi, 19 accusés ont comparu, dont le frère et des amis de Chamseddine Sandi, considéré comme l’un des principaux organisateurs de cet attentat perpétré le 18 mars 2015 au musée du Bardo à Tunis.

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Le président de la cour est revenu sur le raid meurtrier mené par deux assaillants armés de kalachnikovs, qui ont tué des touristes dans des bus garés devant le principal musée tunisien, avant d’en écumer les couloirs, abattant au gré des salles des Polonais, un Russe, des Colombiens, ou encore un Britannique. Parmi les 22 victimes se trouvent également un agent de sécurité tunisien, quatre Français, quatre Italiens, trois Japonaises et deux Espagnols.

Lors de cet attentat, le premier en Tunisie à être revendiqué par le groupe jihadiste Etat islamique (EI), les deux assaillants – abattus par les forces de sécurité – ont également blessé 43 personnes.

Repérages

Le premier suspect interrogé vendredi, Mahmoud Kechouri, un ouvrier de 33 ans originaire d’une banlieue populaire de Tunis, a reconnu avoir préparé des plans et gardé des téléphones à la demande de Chamseddine Sandi, un voisin et ami de longue date. Il a justifié son aide « comme un devoir pour participer à l’émergence du califat » de l’EI, selon ses dépositions lues à l’audience. Jamais condamné jusque là, il avait adopté des idées « takfiristes » (extrémistes sunnites) dès les années 2000, d’après la même source.

Dans ses dépositions, Mahmoud Kechouri dit avoir fait des repérages via le logiciel Google Earth et les réseaux sociaux, en vue d’éventuels attentats : il passe ainsi en revue différents commissariats et casernes, l’association du Lion’s Club  – qu’il qualifie de « repère de loges maçonniques » – avant de se concentrer sur le musée du Bardo en février 2015. Après l’attentat, il tient Chamseddine Sandi, en fuite, au courant des avancées de l’enquête, via l’application de messagerie Jappix.

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D’autres complices de Chamseddine Sandi sont poursuivis pour avoir communiqué avec lui via la même application. Considéré comme toujours en fuite par les autorités tunisiennes, il aurait été abattu en février 2016 par un raid américain en Libye, selon des médias tunisiens.

Accusés d’avoir participé à la préparation de l’attentat, des suspects ont assuré qu’il s’agissait de simples discussions entre amis. Plusieurs ont récusé leurs dépositions, disant avoir été victimes de torture.

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Certains des accusés, comme Achraf Sandi, le frère de Chamseddine, sont aussi poursuivis dans le procès d’un attentat contre un complexe hôtelier, commis le 26 juin 2015 à Sousse. Chamseddine Sandi est soupçonné d’être l’un des instigateurs de cet attentat ayant fait 38 morts, dont 30 Britanniques.

Retransmission

Au total, 25 personnes sont jugées en vertu d’une loi antiterroriste adoptée à l’été 2015. Ils sont passibles de la peine capitale, mais cette sentence fait l’objet d’un moratoire depuis 1991 en Tunisie. Un agent sécuritaire est aussi poursuivi pour non-assistance à personne en danger.

Vendredi, des victimes françaises ont pu suivre les débats en visioconférence depuis la Cour d’appel de Paris, avec une traduction simultanée.

Les autorités tunisiennes ont autorisé cette retransmission inédite à condition que la caméra au fond de la salle filme les accusés de dos, et que les images soient retransmises sans interaction possible, en la présence des seules parties civiles.

Cela évite aux victimes et à leurs proches « de venir jusqu’en Tunisie, ce qu’ils appréhendent, et qui serait compliqué » vu leur nombre, a indiqué le magistrat de liaison français Philippe Dorcet.

Une démarche d’autant plus importante que pour ces victimes, il n’y aura pas d’autre procès en France. « La partie française fait confiance à la justice tunisienne, nous la soutenons dans sa quête de vérité et dans l’indemnisation des victimes », a-t-il souligné.

L’attaque du Bardo, suivie quelques mois plus tard de l’attentat de Sousse, avaient ébranlé l’industrie touristique tunisienne, fragilisant le pays en pleine transition après la révolution de 2011.

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