Sous la pression des sans-terre

Publié le 26 janvier 2004 Lecture : 2 minutes.

Si la création officielle du Mouvement des sans-terre (MST) remonte à 1984, il est actif depuis la fin des années 1970. Aujourd’hui, fort de ses cinq cents mille adhérents, le MST est présent dans la quasi-totalité des vingt-six États brésiliens.
Que réclame le puissant mouvement social ? L’attribution des terres non exploitées aux familles paysannes pauvres, inscrite d’ailleurs dans le plan de réforme agraire prévue depuis 1946 à l’article 184 de la Constitution.
Au Brésil, 2 % de propriétaires détiennent 50 % des terres cultivables, soit 360 millions d’hectares. Or ces fazendeiros n’en exploitent que 46 millions. De son côté, l’État en possède pas moins de 50 millions en jachère.
Lassées d’attendre l’application de la réforme, des familles s’installent de leur propre chef sur des terres en friche avant d’entreprendre les démarches pour en obtenir légalement la propriété. Le coup d’éclat le plus spectaculaire date de 1997. Cette année-là, 120 000 personnes venues des quatre coins du pays ont marché sur Brasilia, la capitale, informant au passage les habitants des villes traversées. Depuis, le mouvement, objet de feuilletons télé, est le plus populaire du pays. Grâce à ses actions, il a pu exproprier 15 millions d’hectares au bénéfice de 250 000 familles, regroupées en coopératives. Une goutte d’eau dans l’océan, le Brésil comptant plus de 50 millions de pauvres sur une population de 170 millions d’habitants.
Le MST a néanmoins trouvé sur son chemin les grands propriétaires terriens et leurs milices privées, avec parfois la complicité active des polices fédérales. Depuis la création du mouvement, 1 800 personnes ont payé de leur vie l’audace de leurs opérations, pour moins d’une dizaine d’arrestations. Sans compter les milliers de blessés, les centaines de prisonniers et de disparus. L’histoire du Brésil compte peu d’hommes politiques à avoir tenu tête aux fazendeiros. Deux illustrations : le suicide, en 1954, du président Gétulio Vargas, et le coup d’État contre le gouvernement de gauche en 1964. D’où la structure du MST : aucun véritable chef, pour éviter la fin du mouvement par sa décapitation brutale.
Allié des premières heures du Parti des travailleurs de Lula, le MST se trouve dans une position délicate. Le nouveau plan de réforme agraire prévoit 400 000 remises de terres à autant de familles paysannes d’ici à 2006. Mais les militants, dont le très médiatique João Pedro Stedile, souhaitent un programme plus ambitieux : la redistribution de terres à 1 million de familles. Et s’ils ont annoncé une trêve après la présentation, le 21 novembre, du plan de réforme de Lula, ils n’ont pas renoncé à l’idée de lui faire changer d’avis. Par la négociation et la pression sociale organisée, la marque du MST, qui, entretemps, a fait des émules dans le monde entier.

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