Rétablir les vérités

Publié le 26 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

N’écoutez pas les Cassandres : le ciel africain est loin d’être l’endroit le moins sûr du monde, encore moins le paradis des « cercueils volants ». De par sa diversité et son immensité, l’Afrique dispose d’un espace aérien parmi les plus vastes du monde, qui, pour la gestion des questions de sécurité, requiert l’intervention de cinquante-trois autorités de l’aviation civile. Si ces structures sont au niveau des standards internationaux dans un grand nombre de régions – l’Afrique du Nord, l’Afrique australe et l’espace de l’Asecna (Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar) -, cela ne suffit pas à calmer les angoisses de certains professionnels du Nord, ni celles de nombre de nos confrères toujours prompts à tirer sur l’Afrique et à tout confondre, parfois avec une absolue mauvaise foi. D’où l’intérêt de rétablir certaines vérités.
Au cours des vingt dernières années, d’énormes progrès ont été réalisés en termes de sécurité grâce aux investissements lourds consentis par une quarantaine de pays (dont les membres de l’Asecna), qui ont modernisé leurs infrastructures aéroportuaires avec le soutien de partenaires de premier plan comme la Banque africaine de développement (BAD), l’Agence française de développement (AFD) ou l’Union européenne.

Autre vérité liée à la nature même du marché africain : le premier opérateur aérien du continent n’est autre que… Air France. Un pavillon qui figure parmi les dix plus grandes compagnies au monde et qui n’a pas pour réputation de mettre en danger la sécurité de ses passagers ou de ses équipages. Bien au contraire. Sa présence en Afrique, qui a fortement progressé depuis la disparition d’Air Afrique début 2002, ainsi que celles de ténors comme British Airways, KLM, Iberia ou Lufthansa, confirment, si besoin était, que l’espace aérien du continent est sécurisé. On estime aujourd’hui qu’il l’est à plus de 85 % (seul l’espace des zones en conflit n’est pas sûr), et l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa) ne ménage pas ses efforts pour voir les acteurs du ciel africain nouer des partenariats, afin que la sécurisation des infrastructures et des opérations de survol, de décollage ou d’atterrissage ne souffrent d’aucun défaut.
Reste une autre vérité, largement défavorable au continent, qui concerne les pays en guerre, en sortie de crise ou en instabilité chronique. Dans ce lot figurent l’Angola, la RD Congo, le Liberia, le Soudan et la Centrafrique. Force est de reconnaître que, dans ce cas, les règles du jeu ne sont pas respectées et que c’est, parfois, plutôt l’anarchie qui prévaut. La solution, à l’instar de celle qui s’esquisse pour Kinshasa, serait d’inclure dans les programmes de sortie de crise négociés avec les bailleurs de fonds un volet « aéroports et sécurité du transport aérien ». Car cette activité est essentielle pour bâtir de véritables stratégies de développement économique, sans parler des pays enclavés comme le Niger, le Tchad ou la Centrafrique, qui sont parfois au bord de l’asphyxie, car desservis par une seule compagnie.

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Le fléau majeur du secteur aérien demeure la corruption, qui gangrène de trop nombreuses administrations locales. Il est aujourd’hui de notoriété publique que vous pouvez à certains endroits, moyennant une enveloppe, obtenir des autorisations de vol, le droit de créer des sociétés de transport aérien ou d’immatriculer des aéronefs. Sans que les contrôles réglementaires soient régulièrement effectués ni que les qualifications des pilotes et autres navigants soient contrôlées. Conséquence directe : l’Afrique est devenue une zone de repli pour des dizaines de pilotes ukrainiens, roumains, kazakhs ou bulgares, en mal de compagnie. De véritables mercenaires du ciel qui, parfois, volent pour plusieurs pavillons et ne maîtrisent même pas suffisamment l’anglais pour communiquer avec les tours de contrôle. L’idéal serait, dans un cadre accepté par tous qui pourrait être celui de l’Union africaine, de retirer aux États leurs prérogatives en la matière et de les confier à une structure supranationale, une sorte de Haute Autorité du ciel africain. C’est le seul moyen d’éviter que de simples prébendes ne suffisent à mettre en danger la vie des passagers et que des accidents ne viennent ternir un peu plus l’image du continent.

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