Les cent jours de Bryant

Avec le soutien de la mission onusienne, la Minul, le chef du gouvernement de transition s’efforce de désarmer les combattants et de remettre en route le pays. Ses succès ne sont pas négligeables.

Publié le 27 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

Monrovia, 14 octobre 2003. Dans l’enceinte du Parlement protégée par les Casques bleus en armes de la Mission des Nations unies au Liberia (Minul), Gyude Bryant, le chef du gouvernement national de transition, prête serment. La cérémonie est empreinte de solennité. Brusquement, au fond de la salle, un bruit retentit : plusieurs chaises viennent de s’effondrer sous le poids des convives ! Comme un symbole de la déliquescence de l’État libérien, après quatorze ans de guerre civile presque ininterrompue. Et l’illustration de l’ampleur de la tâche qui attend le chairman. Homme d’affaires prospère, Gyude Bryant (54 ans) est un vieux routier de la politique libérienne et, par ailleurs, l’un des principaux responsables de l’influente Église épiscopalienne.
Cent jours après, le processus de paix est toujours sur les rails. Et l’espoir d’un nouveau départ bien réel au sein de la population. Le jour de son investiture, Bryant a clairement annoncé ses priorités : restauration de la sécurité, désarmement et démobilisation des combattants, rétablissement des services publics de base, préparation des élections générales d’octobre 2005, avec le concours de la communauté internationale. Le rôle de cette dernière est actuellement décisif, grâce à la Minul, bien sûr, mais aussi aux organismes onusiens à vocation humanitaire et aux très nombreuses organisations non gouvernementales présentes sur le terrain. Pour que le miracle continue, le gouvernement de transition espère obtenir entre 400 millions et 500 millions de dollars, lors de la conférence des donateurs qui devrait avoir lieu les 5 et 6 février prochain, à New York. La manifestation sera placée sous le patronage conjoint de Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies, et de Colin Powell, le secrétaire d’État américain.
Reste que le programme de désarmement et de démobilisation est victime de son succès. Et du goût immodéré des jeunes combattants pour le billet vert. Ayant entrepris, le 7 décembre, de débarrasser les fidèles de l’ancien président Charles Taylor de leur arsenal de guerre, les Casques bleus ont dû suspendre l’opération dix jours plus tard, débordés par l’afflux des candidats. Furieux de n’avoir pas immédiatement reçu l’intégralité de l’allocation de 300 dollars promise, certains excités se sont même livrés, trois jours durant, à leur sport favori : le pillage et les rafales de tirs de kalachnikovs. Bilan : douze morts. Selon Souren Seraydarian, le chef de mission adjoint chargé des opérations, quelque 12 000 ex-combattants ont quand même accepté l’avance de 75 dollars proposée par la Minul. Au total, 8 600 armes ont été récupérées.
Le désarmement devrait reprendre en février. Les responsables onusiens ont mis ce délai à profit pour discuter avec toutes les parties concernées : les chefs des milices pro-Taylor, les commandants du LURD (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie) et ceux du Model (Mouvement pour la démocratie au Liberia). L’objectif est évidemment d’améliorer la sécurité au cours de la deuxième phase. Le renforcement des effectifs de la force multinationale devrait également y contribuer : 5 000 hommes étaient présents sur le terrain début décembre, 8 350 un mois plus tard. La résolution 1509 du Conseil de sécurité (19 septembre 2003) stipule que 15 000 Casques bleus devront l’être avant la fin du mois de février. Représentant spécial de Kofi Annan et chef de mission, l’Américain Jacques Paul Klein ne ménage pas ses efforts pour y parvenir.
En attendant, les forces onusiennes se sont déployées sans rencontrer de résistance dans les zones contrôlées par le LURD et le Model. Des Pakistanais ont ainsi pris position dans les régions de Tubmanburg et de Gbarnga. Et des Bangladais dans celle de Buchanan. La fermeté et la détermination de Klein, qui joue de plus en plus ouvertement le rôle d’un proconsul américain, est indiscutablement payante. Il n’hésite pas, par exemple, à hausser le ton face à des chefs de guerre un peu trop empressés à réclamer la récompense de leur reconversion. Ce qui permet à Bryant de jouer, de son côté, la carte de la négociation et de l’apaisement, bien servi par les divisions des ex-rebelles. Le partage des postes au sein de la nouvelle administration donne lieu, en effet, à une furieuse foire d’empoigne. Le 8 janvier, des commandants du LURD ont ainsi réclamé le départ de leur leader, Sekou Damate Conneh, qu’ils accusent de les avoir « oubliés » depuis la fin de la guerre, et son remplacement par son épouse, Aïcha Keita Conneh, diseuse de bonne aventure du président guinéen Lansana Conté.

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