Hitler entre dans la bergerie

Publié le 26 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

Le vieux président allemand aura fini par se laisser convaincre. Le 30 janvier 1933, le maréchal Paul von Hindenburg, 86 ans, fait appel à celui qu’il surnomme le « caporal bohémien », de quarante-deux ans son cadet, pour former un gouvernement de « concentration nationale ». Adolf Hitler est nommé chancelier. Le soir même, à Berlin, les militants du Parti ouvrier national-socialiste allemand (NSDAP) organisent une retraite aux flambeaux pour marquer l’événement. Des milliers de SA (Sections d’assaut, groupe paramilitaire) défilent sous la porte de Brandebourg et prennent la direction de la chancellerie, saluant la victoire du Führer, le « Guide ». Personne n’imagine que, bientôt, ils porteront le feu d’Est en Ouest et du Nord au Sud à travers l’Europe.

D’ailleurs, si Hitler peut prêter serment, ce 30 janvier 1933, c’est que d’autres que lui l’ont bien voulu, persuadés de pouvoir manipuler sans trop de problèmes cet « agitateur », aussi ambitieux fût-il.
En novembre 1932, les communistes étaient ainsi allés jusqu’à rejoindre la grève des transports organisée par les nazis, à Berlin, pour déstabiliser les autorités en place. Pour les conservateurs de la République de Weimar, Hitler ne représente pas plus une menace. De toute façon, ils ont le sentiment que, pour contrer les communistes, ils auront besoin de lui et, surtout, du soutien que le peuple lui accorde. À preuve : le parti nazi comptait 12 députés en 1928, 107 en 1930 et 230 en juillet 1932 ! Quelques mois auparavant, en avril, Hitler avait même mis Hindenburg en ballottage lors de l’élection présidentielle. Certes, les nazis ont perdu des voix après une énième dissolution du Parlement – en novembre 1932, il ne leur restait « que » 196 députés -, mais le Führer commence à prendre beaucoup de place.
Depuis le « putsch » manqué de Munich, en novembre 1923, qui lui valut une condamnation à cinq ans de prison (il sera amnistié avant d’avoir effectué la première année), Hitler est convaincu de ne pouvoir s’emparer du pouvoir que de façon légale. Seulement, la reprise économique amorcée en 1924 n’est pas favorable au discours des extrémistes, qui ne seront remis en selle que par la terrible crise de 1929 et sa cohorte de chômeurs. Le coup de pouce final viendra des conservateurs. Depuis décembre 1932, la chancellerie est occupée par le général von Schleicher, qui se méfie terriblement du leader nazi et de ses aventuriers d’amis. Ce mois de janvier 1933, von Schleicher ira jusqu’à demander au président Hindenburg de dissoudre le Reichstag (Parlement) et de lui remettre les pleins pouvoirs. Pendant ce temps, son prédécesseur à la chancellerie, Franz von Papen, s’agite dans les coulisses pour faire accepter la solution Hitler. Il organise des réunions secrètes entre le chef nazi et Alfred Hugenberg – riche et influent dirigeant du Parti nationaliste pangermanique (DNVP), sûr, lui aussi, de pouvoir se servir d’Hitler -, puis avec des proches du président Hindenburg. Les milieux d’affaires sont déjà convaincus. Reste à persuader le maréchal des bénéfices de la participation d’Hitler à un nouveau cabinet.

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Il s’y résigne. Le 30 janvier, Adolf Hitler forme un gouvernement. N’y figurent que deux autres nazis, mais à des postes clés : Wilhelm Frick est nommé à l’Intérieur et Hermann Goering est ministre de l’Intérieur de l’État de Prusse (dont Berlin est la capitale). Les autres sièges sont occupés par des aristocrates ou encore par des membres du DNVP de Hugenberg. Franz von Papen est récompensé pour son entregent en étant désigné vice-chancelier. Tout le monde est encore certain de pouvoir contenir Adolf Hitler. Ce dernier les fera mentir, mettant progressivement en place le chaos tout en faisant mine de respecter et les institutions et ses nouveaux alliés. Le 1er février, à la demande du nouveau chancelier, le président Hindenburg dissout le Parlement, des élections sont fixées pour le 5 mars. Le parti nazi remporte 44 % des suffrages, les communistes sont déclarés hors la loi ; le 23, les pleins pouvoirs sont accordés à Hitler. La suite est connue.

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