Domitien Ndayizeye, VRP de la paix

Résolu à tourner la page de la guerre civile, le chef de l’État cherche des soutiens en Europe.

Publié le 27 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

En proie à la guerre civile depuis dix ans, le Burundi est-il vraiment sur la voie de guérison ? Lors de sa visite de travail à Paris, les 15 et 16 janvier, Domitien Ndayizeye, son président, a tenté d’en convaincre ses hôtes français. Avec un certain succès. Réunis les 13 et 14 janvier, à Bruxelles, les bailleurs de fonds internationaux se sont pour leur part engagés à verser une aide de 1 milliard de dollars. La France y participera à hauteur de 20 millions d’euros (25 millions de dollars), sous forme de programmes de coopération et d’aides budgétaires. « Soyez assurés que cet argent ne nous servira pas à acheter des armes. Car des armes, nous en avons déjà beaucoup trop ! » a lancé Ndayizeye au président Jacques Chirac.
Le chef de l’État s’est ensuite rendu à Amsterdam, aux Pays-Bas, où, du 18 au 20 janvier, il a rencontré des responsables du dernier groupe rebelle en activité : le Palipehutu-FNL. « Je vais tenter de les amener à signer un cessez-le-feu et à participer à la reconstruction du pays », a-t-il indiqué avant son départ de Paris. Sans illusion sur l’issue de cette première entrevue, il reste globalement optimiste : « Je ne pense pas qu’ils souhaitent se marginaliser. Je prendrai le temps qu’il faudra pour les convaincre qu’il n’y a pas d’autre voie que le dialogue. »
De l’avis de nombreux observateurs, l’assassinat, le 29 décembre, du nonce apostolique à Bujumbura, Mgr Michael Courtney, un ami personnel du président, a sans doute précipité les choses. Ce crime non revendiqué est en effet attribué par certains aux membres du FNL. Ce que Pasteur Habimana, leur porte-parole, dément farouchement. La rencontre d’Amsterdam pourrait donc traduire la volonté des rebelles de se disculper. « J’interprète cet assassinat comme un acte de désespoir, analyse le président. Incapables d’entreprendre aucune action d’envergure, ses auteurs n’ont trouvé que ce moyen pour marquer les esprits. Mais cela ne signifie pas que la paix soit impossible. » Pour l’heure, les FNL ont accepté la mise en place d’une commission d’enquête internationale chargée de tirer cette affaire au clair. Par ailleurs, ils maintiennent leur désir d’avoir des interlocuteurs tutsis pour conclure un cessez-le-feu, faisant valoir que ceux-ci sont majoritaires dans l’armée.
Affable et détendu en dépit d’un agenda parisien très chargé, Ndayizeye évoque d’une voix chantante les drames de son pays. À l’époque où il n’était que le vice-président du major Pierre Buyoya, il a participé à la mise en place des institutions de transition définies par l’accord d’Arusha (28 août 2000). « J’étais associé à toutes les décisions, et je ne pense pas qu’il m’ait caché quoi que ce soit, indique-t-il. Nous avons eu quelques divergences, mais sommes toujours parvenus à un accord. Aujourd’hui encore, je n’hésite pas à le consulter. » « Lors de mon arrivée à la tête de l’État, se souvient-il, certains m’ont expliqué que j’allais me casser la figure. Vous le voyez : ils se sont trompés. J’ai signé l’accord de cessez-le-feu et préparé l’entrée dans les institutions du CNDD/FDD, le groupe rebelle le plus important. Je suis comme ça : je n’y vais pas par quatre chemins et ça marche ! »
Reste un gros morceau : organiser des élections communales, législatives et présidentielle avant le 1er novembre de cette année, conformément à l’accord d’Arusha. Ce qui suppose que soient menés à leur terme le cantonnement, la démobilisation et l’intégration de tous les ex-combattants. Une entreprise longue et coûteuse, qui nécessite l’implication des organisations internationales. « Nous ferons notre possible pour être prêts à temps », promet Ndayizeye. Sans doute, mais il reste tant à faire qu’on voit mal comment les délais pourraient être tenus : création d’une force de sécurité nationale, adoption de la nouvelle Constitution et d’un code électoral, rapatriement des réfugiés, recensement de la population…
Il est d’ores et déjà prévu qu’aucune ethnie ne pourra disposer de plus de 67 % des sièges dans les institutions de la République. Et que celles-ci compteront au moins 20 % de femmes. Cette disposition vise à corriger le déséquilibre ethnique de la population burundaise, qui compte 80 % de Hutus, 18 % de Tutsis et 1 % de Twas. À terme, l’objectif est de créer une véritable identité nationale, un véritable patriotisme burundais. Ndayizeye en est conscient : il faudra au moins vingt ans pour y parvenir.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires