Des coachs pas comme les autres

Sur les seize entraîneurs des équipes en lice pour la Coupe d’Afrique, huit sont africains, dont cinq furent aussi de grands joueurs.

Publié le 26 janvier 2004 Lecture : 7 minutes.

La Coupe d’Afrique des nations (CAN) est le grand rendez-vous des vedettes du football africain. Elle est aussi le champ de confrontation entre seize entraîneurs qui ne se ressemblent pas, ne partagent pas les mêmes idées et, surtout, ne bénéficient pas du même traitement. Sur les stades tunisiens s’affrontent depuis le 24 janvier huit techniciens venus d’Europe et huit Africains dont cinq peuvent se flatter d’avoir effectué un parcours de joueur et d’entraîneur digne d’intérêt. Ils gagnent à être connus et… reconnus.

Mohsen Saleh (Égypte)

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Voilà un technicien discret, mais à la compétence établie et à l’itinéraire intéressant. Joueur, il a fait ses classes au Nadi al-Ahly au poste de demi. Avec le club mythique du Caire, il a remporté trois doublés de 1975 à 1977 et a eu la chance de suivre les enseignements du maître hongrois Nandor Hidegkuti. De son apprentissage, il va, une fois devenu entraîneur, tirer grand profit. Il reste fidèle à un style de jeu bien léché, débridé et spectaculaire. Après avoir dirigé les juniors d’al-Ahly, il émigre à Port-Fouad avant de partir, de 1980 à 1992, à la quête des pétrodollars en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et à Oman.
De retour en Égypte, il devient, en 1994, l’adjoint du sélectionneur, le Néerlandais Reiner Rauter. Il lui succède et qualifie les Pharaons pour la CAN 1996. Mais, à la veille de s’embarquer pour l’Afrique du Sud, il refuse de jouer les utilités aux côtés du Batave Ruud Krol. Il trouve alors à s’employer auprès d’al-Misri de Port-Saïd avant de rejoindre les « Darawishes » d’al-Ismaïli. Avec ce club, il démontre tout son savoir-faire et réussit à redonner ses lettres de noblesse au club. Un titre de champion d’Égypte en 2001 précédé d’une finale de la Coupe de la CAF en 2000 récompensent ses efforts et enrichissent sa carte de visite.
Lorsque, après la CAN 2002, Mahmoud al-Gohari rend définitivement son tablier, c’est en toute logique que la Fédération égyptienne nomme à son poste le méritant Mohsen Saleh, 54 ans. L’Égypte obtient sans coup férir son ticket pour Tunisie 2004. Saleh choisit habilement d’inclure dans la sélection seize joueurs locaux, dont huit de Zamalek, trois d’al-Ismaïli et trois d’al-Ahly. Huit expatriés sont présents, dont le « Marseillais » Mido, les « Turcs » Abdel Zaher el-Saka et Ahmed Hassan ainsi que le « Qatari » Mohamed Barakat, le précieux élève de Mohsen Saleh.

« Sir » Cecil Jones Attaquayefio (Bénin)

Le seul coach qui peut se prévaloir d’avoir gagné la Coupe d’Afrique des nations à… Tunis. C’était le 21 novembre 1965 sur le terrain du stade Chedly-Zouiten. Ce jour-là, en finale de la Ve CAN, le légendaire Black Star du Ghana l’avait emporté, après les prolongations, sur la Tunisie : 3 à 2. Et, dans les rangs des champions, figurait un certain Cecil Jones Attaquayefio.
Trente-cinq ans plus tard, Attaquayefio se rappelait au bon souvenir du public tunisien en battant, au stade d’El-Menzah, l’Espérance sportive de Tunis (2-1) et en enlevant le trophée de la Ligue des champions. Cette fois-ci comme entraîneur des célèbres Hearts of Oak d’Accra. Une victoire qui lui a valu d’être « anobli » par les supporteurs du club. « Sir » Cecil Jones est devenu l’un des meilleurs techniciens de son pays. Formé à l’école brésilienne, adepte d’un jeu construit et offensif et fidèle au dispositif tactique en 4-4-2, il pensait faire carrière dans l’encadrement du Black Star, mais les dirigeants du foot ghanéen lui ont préféré des « sorciers » allemands. Et, comme nul n’est prophète en son pays, « Sir » s’est retrouvé au printemps 2003 à la tête des… Écureuils du Bénin. En quelques semaines, il parvient à en polir le jeu et à en faire une formation gagnante. Et, miracle, les inconnus Béninois sortent les griffes, laminent Soudanais, Tanzaniens et Zambiens, accumulent les buts (douze, dont cinq du seul Omar Tchomogo) et arrachent une qualification historique pour la CAN 2004.
À Sfax, où le tirage au sort les a expédiés, les Écureuils ont bouclé leur préparation en se mesurant à deux reprises et sans complexe à leurs hôtes tunisiens (0-2 et 1-2). « Sir » Cecil Jones Attaquayefio (58 ans), un coach à prendre au sérieux.

Badou Ezzaki (Maroc)

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Un des plus grands gardiens de but africains de tous les temps. Il a reçu à l’occasion du Mundial 1986, à Guadalajara (Mexique), la consécration que méritait son talent. Inamovible gardien de but de l’équipe du Maroc de 1979 à 1992, il est resté longtemps fidèle au Wydad de Casablanca, avant de faire carrière au Real Majorque. Ballon d’or africain en 1986, Ezzaki, contrairement à ses coéquipiers mondialistes, a choisi de rester dans le foot et de devenir entraîneur.
Une véritable gageure au Maroc, où, comme partout dans le Maghreb, on voue un culte à l’expert étranger, européen ou sud-américain. En 2002, après l’échec du Portugais Humberto Coelho, la fédération marocaine s’est décidée à confier l’intérim de la sélection à… Ezzaki. Et pendant que le « Slaoui » tentait de rebâtir une formation performante, ses employeurs partaient à la chasse au messie. Les Français Philippe Troussier et Luis Fernandez furent sollicités : trop exigeants et trop chers. En fin de compte, économie oblige, la sagesse finit par l’emporter et l’ancien gardien resta en poste.
Parce que l’élite marocaine est expatriée et que les joueurs locaux disputent une compétition sans rythme et sans relief, Ezzaki s’est tourné vers une armada d’« Européens », dont le leader est le « Galicien » Noureddine Naybet, inamovible tour de défense du Deportivo La Corogne. Les « Français » (Ouaddou, El-Karkouri, Regragui, Hadji Youssef, Zaïri, Baha et Chamakh) sont majoritaires au sein d’une sélection qui ambitionne de succéder dignement à la génération des Chipo, Chiba, Hadji Mustapha et autres Bassir.

Christian Chukwu (Nigeria)

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Les Tunisiens Tarak Dhiab, Temime Lahzami ou encore Hamadi Agebi n’en reviennent pas : l’homme au crâne dégarni, bedonnant et joufflu qui dirige les entraînements des Super Eagles du Nigeria n’est autre que l’élégant et flegmatique demi-centre qu’ils ont affronté à maintes reprises de 1977 et 1980, Christian Chukwu ! Le prestigieux capitaine du onze nigérian, champion d’Afrique en 1980, n’a plus rien de l’aigle dominateur. La bière et la bonne chère n’ont pas épargné sa silhouette de quadragénaire.
Une fois les crampons raccrochés, Chukwu s’est embarqué dans la carrière d’entraîneur, muni de sa connaissance du foot et de sa gentillesse. Il a dirigé son club de toujours, les Enugu Rangers, est devenu l’assistant de l’entraîneur néerlandais Clemens Westerhof en 1994, avant d’émigrer plus tard au Kenya où il a pris en main les Harambee Stars, la sélection nationale. L’expérience s’est terminée en queue de poisson, et « Chuk » est rentré dans son Biafra natal.
En 2002, les Super Eagles du Nigeria boivent le calice jusqu’à la lie. Ils échouent à la CAN au Mali, ne décrochant que la troisième place. Exit les coachs Adamu Shaibu et Stephen Keshi. Ils repartent bredouilles du Mondial Corée-Japon. Limogé, le mythique Chief Festus Onigbinde. À court de fonds, la NFA (Nigeria Football Association) se résout à faire appel au dévoué Chukwu en attendant d’embaucher un maître-entraîneur européen.
Chukwu parvient, tant bien que mal, à maîtriser des troupes peu disciplinées et à les mener à la qualification pour Tunisie 2004. La NFA, « reconnaissante », annonce le recrutement de l’ancien capitaine de l’équipe d’Angleterre Bryan Robson dont elle transmet le contrat à son ministère de tutelle. Veto d’Abuja. Retour obligé de Christian Chukwu, qui, prudent, bat le rappel de toutes les vedettes expatriées comme Austin « Jay Jay » Okocha, Nwankwo Kanu, Celestine Babayaro, Yakubu Ayegbeni, Victor Agali et autres Julius Aghahowa. Même si certains de ces joueurs traînent le poids des ans et si d’autres sont connus pour leurs caprices.

Rabah Saadane (Algérie)

Il est le dernier des entraîneurs qui ont marqué le football algérien des années de braise. Rabah Saadane, 62 ans, a côtoyé des aînés célèbres comme Rachid Mekhloufi et Mahieddine Khalef avant de se voir confier en 1985 la destinée de l’équipe d’Algérie. Quelques années auparavant, il avait conduit les juniors de son pays au Championnat du monde au Japon.
Saadane s’est appuyé sur la génération Belloumi-Assad-Madjer pour tenter un pari difficile : qualifier l’Algérie pour la deuxième fois consécutive à la Coupe du monde. Il y est parvenu, et son équipe s’est envolée en juin 1986 pour le Mundial mexicain. Malgré une très bonne sortie face au Brésil à Guadalajara (0-1), elle s’est effondrée face à l’Espagne (0-3) et a été éliminée. Saadane a échoué dans le management d’une sélection déchirée par les querelles entre joueurs locaux et expatriés, et perturbée par les interventions intempestives des dirigeants.
Après l’aventure mexicaine, Saadane a refait surface en remportant, en 1989, avec le Raja de Casablanca la Coupe d’Afrique des clubs. Puis il est rentré dans le rang et est parti à l’aventure dans les royaumes des pétrodollars. Il y a quelques mois, le nouveau patron du football algérien Mohamed Raouraoua a mis fin à sa traversée du désert et l’a parachuté à la tête de l’équipe nationale en remplacement du Belge George Leekens. Le revenant a accepté le nouveau challenge et s’est entouré de deux techniciens « scientifiques », Boualem Charef et Boualem Cheradi. Il a évité de tout reconstruire et opté, faute de disposer de surdoués comme en 1985-1986, pour un recours illimité aux expatriés. Ainsi a-t-il inclu treize professionnels « européens », dont huit « français » et quatre « belges ». La plupart des appelés n’ont jamais disputé de compétition nationale en Algérie. Quelques individualités de l’Union sportive de la Médina d’Alger et de la Jeunesse sportive de Kabylie complètent un effectif dont on ne peut pas prévoir le parcours. Il est vrai que l’objectif est le Mondial 2006.

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