Un nouveau départ

La lutte anticorruption et le respect des droits de l’homme figurent parmi les priorités du Premier ministre. À la grande satisfaction des partenaires extérieurs. De son côté, l’opposition reste plutôt discrète, en attendant les législatives de 2008.

Publié le 2 janvier 2007 Lecture : 5 minutes.

C’est un vrai coup de semonce qui a été tiré à Bata en juillet dernier. Lors du quatrième congrès ordinaire du Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE), organisé dans la capitale économique, le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo n’a pas hésité à fustiger l’attitude de son gouvernement. À la tribune, le chef de l’État dénonce fermement l’incurie de ses collaborateurs et la corruption qui mine le pays. Et menace même de pousser ses ministres à la démission si aucun changement n’intervient rapidement. Dans le public, peu nombreux sont ceux qui croient à la détermination du président. Pourtant, les jours du Premier ministre Miguel Abia Biteo Boricó à la tête du gouvernement sont bel et bien comptés. Le 14 août, il est remplacé par Ricardo Mangué Obama Nfube, un Fang. Comme le président. Pour la première fois depuis l’indépendance du pays en 1968, la règle tacite qui veut que le poste de Premier ministre revienne à un membre de l’ethnie bubie (majoritaire sur l’île de Bioko) n’est pas appliquée. Quatre mois plus tard, les Équatoguinéens semblent pourtant s’être habitués à l’enterrement de ce vieil équilibre communautaire. Le pays, pour reprendre l’expression d’un diplomate africain basé à Malabo, donne l’impression d’être une « mer tranquille ».
En fait, la nomination de l’ex-vice-Premier ministre à la tête du gouvernement n’est pas une surprise. Ancien président de la Cour d’appel, Ricardo Mangué Obama Nfube, 46 ans, a derrière lui une dizaine d’années d’expérience dans la gestion des affaires publiques. C’est donc en toute logique que le président a fait appel à ses services. Pour répondre aux critiques de mauvaise gouvernance venant de l’intérieur comme de l’extérieur du pays, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo avait besoin de donner un nouveau souffle à l’exécutif. Mangué Obama, dont tout le monde reconnaît l’intégrité et la fermeté de caractère, était peut-être le mieux placé pour impulser la dynamique qui a longtemps manqué à l’action gouvernementale et a fini par faire du chef de l’État l’unique ordonnateur des dépenses publiques.
À l’évidence, la nomination de Mangué Obama à la tête du gouvernement a déjà eu les effets escomptés. Dès son installation, le nouveau chef du gouvernement a décidé de taper du poing sur la table et multiplié les mises en garde contre la pratique du bakchich, qui tente bien souvent fonctionnaires véreux et opérateurs économiques. Il est même allé jusqu’à communiquer aux hommes d’affaires un numéro de téléphone auquel ils pouvaient le joindre en cas de problème.
Peu après sa nomination, les premières sanctions sont tombées : un trafic d’attribution illégale de lignes téléphoniques a été démantelé, de hauts fonctionnaires ministériels ont été arrêtés pour corruption, une entreprise belge a été également condamnée à une lourde amende pour le même motif (voir p. 96). L’action du Premier ministre se veut spectaculaire, mais l’opinion publique attend encore la prise de « plus gros poissons ». Pour l’heure, ce qui a été accompli jusqu’ici a déjà permis d’accroître les recettes du Trésor public. Au-delà de l’aspect financier, Mangué Obama a la volonté d’assainir la vie politique. En témoignent la création, l’année dernière, d’une Commission nationale d’éthique et l’obligation maintenant faite aux membres du gouvernement de déclarer leurs biens dès leur prise de fonctions. Et le Premier ministre n’hésite pas à décrocher le téléphone pour rappeler à l’ordre ceux qui tardent à s’y conformer. « La méthode Mangué Obama est faite de fermeté sur les principes et de pression constante sur son équipe », commente un diplomate occidental en poste dans la capitale.
Le gouvernement actuel peut également mettre à son crédit l’adoption par l’Assemblée nationale de plusieurs lois visant à améliorer la transparence dans la gestion des ressources du pays. Au risque, parfois, de déplaire Quant à la récente loi contre la pratique de la torture, elle répond à la volonté de veiller au bon respect des droits de l’homme.
L’autre cheval de bataille du Premier ministre concerne l’engagement pris par les entreprises tant nationales qu’étrangères vis-à-vis de l’État. Le chef du gouvernement veut faire la chasse aux opérateurs, dans le secteur du bâtiment et de la construction notamment, qui ne respectent pas les termes des contrats passés avec l’administration. Certaines d’entre elles se contentent d’empocher une partie des sommes dues par les pouvoirs publics et n’assurent plus, ensuite, le suivi des chantiers. Or le président Obiang Nguema a affirmé qu’il souhaitait voir tous les travaux en cours achevés au plus tard avant octobre 2008, date du quarantième anniversaire de l’indépendance. Pour répondre à l’urgence, le Premier ministre n’hésite donc pas à faire des « visites surprise » sur certains chantiers pour mesurer de visu leur état d’avancement.
Les partenaires au développement de la Guinée équatoriale se montrent satisfaits de cette nouvelle conduite des affaires. « L’effet Mangué, ce sont des initiatives intéressantes, un message fort contre la corruption, un regain d’intérêt pour la lutte contre le sida, l’apparition d’un nouveau leadership. Et surtout, la question des droits de l’homme n’est plus taboue dans ce pays », se réjouit un responsable du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud).
Du côté des partis politiques, aucune voix ne s’élève. L’opposition dite « démocratique », qui a rejoint le camp présidentiel, affirme qu’elle continuera à soutenir l’action gouvernementale tant que ses préoccupations seront prises en compte. Quant à la Convergence pour la démocratie sociale (CPDS) de Placido Mico, seul mouvement de l’opposition « radicale » représenté au Parlement, elle attend les élections législatives de mars 2008 pour tenter de gagner plus de sièges qu’en 2003 (elle détient deux sièges sur cent). Le PDGE, au pouvoir, envisage les futures échéances avec plus de sérénité. Doté de moyens financiers et humains plus importants que tous ses alliés et adversaires réunis, il ne redoute aucun d’entre eux. Majoritaire à l’Assemblée nationale, le parti espère l’emporter facilement en 2008 et préparer en toute confiance les élections présidentielles de 2009, auxquelles Teodoro Obiang Nguema s’est d’ores et déjà porté candidat. D’ici là, le gouvernement de Ricardo Mangué Obama Nfube tâchera de poursuivre son action.

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