L’Afrique part à la pêche aux « islamodollars »
Au Maghreb comme au sud du Sahara, les produits financiers compatibles avec la charia se multiplient. Autant de vecteurs qui permettent aux pays du Golfe d’investir dans les infrastructures.
Les pays africains rivalisent pour attirer les capitaux du Moyen-Orient. Après le Sénégal, qui a émis, avec succès, une obligation chariacompatible de 100 milliards de F CFA (152,5 millions d’euros) en juillet, l’Afrique du Sud s’apprête à lui emboîter le pas pour un montant d’environ 750 millions de dollars (560 millions d’euros).
Avant la fin de cette année, d’autres pays comme la Tunisie, l’Égypte ou la Mauritanie sont également attendus sur ce marché financier (voir tableau). Et les États ne sont pas les seuls à recourir à ce type de financement : la filiale sud-africaine du groupe bahreïni Al Baraka Banking Group a elle aussi annoncé récemment son intention d’émettre un emprunt sukuk (compatible avec les préceptes de l’islam).
Selon Adnan Halawi, un expert travaillant pour Zawya, le portail d’informations de Reuters spécialisé en finance islamique, « les économies des États membres du Conseil de coopération du Golfe [qui regroupe six pays, dont les Émirats arabes unis, le Qatar et le Koweït] sont très solides en ce moment et elles veulent investir. L’Afrique est une terre d’opportunités pour ces nations. »
Partage des risques
L’intérêt des économies africaines pour les produits financiers islamiques croît d’autant qu’ils apparaissent avantageux. « Ils sont adossés à des actifs tangibles, pour éviter de payer des intérêts, interdits par l’islam ; l’investisseur partage davantage les risques », explique Adnan Halawi. Dans le cas de l’acquisition d’une maison, une banque islamique l’achète pour le compte de son client après avoir contracté avec celui-ci un accord selon lequel il rachètera plus tard le bien à un prix un peu plus élevé.
Selon Amadou Sy, chercheur au sein du think tank Brookings Institution, basé à Washington, le recours au sukuk convient bien au financement des projets d’infrastructures : ces derniers requièrent que les flux financiers soient générés à partir d’actifs – routes à péages, revenus immobiliers par exemple. « Mais la première fois que l’on procède à ce type d’émission, il faut s’attendre à de longs délais », prévient-il, se référant au besoin de créer de nouveaux documents et des véhicules de titrisation spécifiques pour acquérir ces actifs.
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Poids lourds
Les pays d’Afrique du Nord ont été lents à développer des cadres réglementaires régissant ce type de finance. Mais ils semblent rattraper ce retard. L’an dernier, la Tunisie et l’Égypte ont adopté des lois visant à encourager l’essor de la banque islamique.
En juin 2013, l’Assemblée nationale marocaine autorisait les banques – locales et étrangères – à ouvrir des succursales « charia-compatibles ». Ainsi, après Attijariwafa Bank, qui a lancé en 2010 sa filiale Dar Assafaa, BCP et BMCE Bank, les deux autres poids lourds du pays, lui ont emboîté le pas cette année en lançant leurs propres structures « halal ».
Même tendance au sud du Sahara où le groupe britannique Standard Chartered a lancé en mars sa première offre charia-compatible au Kenya. Et Barclays Africa Group, qui a déjà ouvert des guichets de banque islamique en Afrique du Sud, au Kenya et en Tanzanie, s’apprête à proposer des services similaires au Mozambique et en Zambie.
« Les autorités régulatrices en Afrique cherchent à encourager le développement de la finance islamique », affirme Kariuki Ngari, à la tête de la banque de détail Afrique de Standard Chartered. « D’ici à la fin de la décennie, ce secteur pourrait représenter jusqu’à 10 % des actifs bancaires dans cinq ou six pays d’Afrique subsaharienne », prédit-il.
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