Ouverture tous azimuts

Si l’Espagne a perdu de son influence, les États-Unis et la Chine, attirés par le pétrole, ont renforcé leurs liens avec Malabo.

Publié le 2 janvier 2007 Lecture : 5 minutes.

Le 23 novembre, le nouvel ambassadeur des États-Unis en Guinée équatoriale, Donald C. Johnson, présentait ses lettres de créance au président Teodoro Obiang Nguema. Son prédécesseur avait quitté le pays en 1995. Après de longues années de fermeture de l’ambassade, les intérêts américains n’étaient plus représentés que par un chargé d’affaires, le chef de la mission résidant à Yaoundé, au Cameroun. Une situation qui ne faisait guère les affaires de Malabo compte tenu de l’importance de ses relations économiques avec Washington. Au départ pourtant, l’exploration pétrolière fut confiée aux Espagnols. Après de longues et vaines années de recherche, les sociétés ibériques jetèrent l’éponge. Les États-Unis prirent alors la relève et les prospections s’avérèrent concluantes. Depuis le début des années 1990, les entreprises américaines ont investi des milliards de dollars dans l’exploitation des hydrocarbures et assurent aujourd’hui plus de 80 % de la production totale du pays. Toutefois, certains déplorent que les contrats signés à l’époque favorisent davantage les partenaires américains que les intérêts du pays.
En 1995, alors que la Guinée équatoriale s’engage sur la voie de la démocratisation, le représentant des États-Unis insiste pour que le pays veille davantage au bon respect des droits de l’homme. Les autorités n’apprécient pas. Washington rappelle son ambassadeur, mais les affaires continuent. Finalement, les investissements américains sont si importants que le pouvoir équatoguinéen plaide pour le retour du diplomate dans la capitale. Ce qui n’empêche pas les observateurs avisés d’affirmer que le représentant de la société ExxonMobil a plus d’influence que le représentant américain à Malabo. Outre l’attrait économique, la Guinée équatoriale présente un atout géostratégique qui répond parfaitement aux préoccupations américaines liées à la lutte contre le terrorisme international, le golfe de Guinée permettant de diversifier les approvisionnements des États-Unis en hydrocarbures. Le président Obiang Nguema, quant à lui, s’est rendu plusieurs fois à Washington, où il a encore été reçu en avril dernier par la secrétaire d’État Condoleezza Rice.
Autre géant, la Chine occupe une place de choix dans le schéma diplomatique équatoguinéen. Pékin est considéré comme l’ami de toujours, le premier partenaire économique dont « la coopération navigue entre le prêt sans intérêt et le don », souligne un diplomate. Active dans la construction d’infrastructures, la Chine « joue dans la même division que la France, l’aspect culturel en moins ». Elle a notamment réussi à décrocher des marchés aussi importants que celui de la construction de 10 000 logements sociaux dans le cadre du projet Malabo II. Et concurrence, dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, les sociétés françaises et équatoguinéennes. Par ailleurs, le groupe chinois Sinopec s’intéresse à son tour au secteur pétrolier Le président Obiang Nguema a effectué au cours de la dernière décennie pas moins de six voyages en Chine, preuve s’il en est de l’importance qu’il attache aux relations avec l’empire du Milieu.
Parmi les pays européens, la France occupe un rang plus qu’honorable. Pour beaucoup, la diplomatie française a su tirer profit de la situation inconfortable de l’Espagne, l’ancienne puissance coloniale. Paris réfute et répète qu’il n’a jamais été question de supplanter les Espagnols, dont le pays est membre de l’Union européenne. Quoi qu’il en soit, les Français ont pu renforcer leur présence lors de la grande crise hispano-équatoguinéenne, au début des années 1990, après avoir joué un rôle essentiel en faveur de l’entrée de la Guinée équatoriale dans la zone franc. D’ailleurs, les entreprises de l’Hexagone sont bien représentées, notamment par Bouygues dans le bâtiment et les travaux publics, ou encore France Télécom – partenaire de la société nationale Getesa qui détient le monopole de la téléphonie mobile et de l’Internet sous la marque Orange. Le groupe Total, quant à lui, s’est vu confier la distribution des produits pétroliers sur l’ensemble du pays. En outre, Paris mène de front une offensive culturelle à travers le Projet d’appui à l’éducation et à la diffusion du français, la deuxième langue officielle du pays.
L’Espagne a perdu, elle, de son influence sinon de son prestige aux yeux des Équatoguinéens, qui ne manquent jamais de lui rappeler son échec dans l’exploration pétrolière. Madrid, de son côté, exige de l’ancienne colonie davantage d’efforts en matière de démocratie et de droits de l’homme. Pour Malabo, il s’agit là d’une ingérence inacceptable dans les affaires d’un État souverain. D’autant que les Espagnols ont longtemps accordé l’asile aux adversaires politiques de Teodoro Obiang Nguema. Mais depuis l’arrivée de José Luis Rodriguez Zapatero à la tête du gouvernement espagnol en 2004, les relations tendent à s’apaiser. La politique étrangère menée par le Premier ministre privilégie le dialogue constructif à l’affrontement stérile. En juin 2006, Madrid retire le statut de réfugié politique à l’opposant Severo Moto. Malabo en prend note et le président équatoguinéen effectue sa première visite officielle à Madrid cinq mois plus tard.
Aujourd’hui, la présence ibérique en Guinée équatoriale est réduite à sa plus simple expression. Malgré tout, l’attachement des Équatoguinéens à la langue et à la culture espagnoles reste intact. En réalité, depuis la suspension de la coopération en 1992, l’Espagne s’investit surtout dans l’enseignement supérieur et dans la santé, avec notamment un projet de lutte contre le paludisme.
Parmi les hispanophones, la diplomatie cubaine reste l’une des plus actives à Malabo. Mettant en avant les vertus de la coopération Sud-Sud, La Havane envoie des médecins et des ingénieurs agricoles en Guinée équatoriale. L’Afrique du Sud est, elle aussi, en train de gagner du terrain, même si sa présence se limite pour l’instant à un contrat d’exploration pétrolière accordé à la société Petrosa. D’autres pays comme le Venezuela se montrent très intéressés par les hydrocarbures.
Dans cette lutte d’influence qui peut s’avérer très rémunératrice, les différentes puissances étrangères se livrent une guerre larvée. Elles évitent le moindre affrontement, se montrent discrètes et affichent une politesse exquise. Mais tout le monde l’a compris, les Équatoguinéens les premiers, l’altruisme n’est pas de mise : les affaires sont les affaires.

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