Wale Tinubu : « L’exploitation du pétrole n’est pas réservée aux entreprises étrangères »

En reprenant les actifs du pétrolier américain ConocoPhillips au Nigeria, le distributeur de carburants Oando est devenu le plus important producteur local d’or noir. Interview de son patron, Wale Tinubu, devenu un symbole.

A l’heure actuelle, Oando produit 60 000 barils par jour. Reuters

A l’heure actuelle, Oando produit 60 000 barils par jour. Reuters

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Publié le 10 septembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Cela a pris presque un an, mais c’est fait : Oando a finalisé début août la reprise des actifs du groupe américain ConocoPhillips pour 1,6 milliard de dollars. Une opération qui permet à la junior pétrolière nigériane d’atteindre une production de 60 000 barils par jour (b/j), contre 10 000 b/j auparavant. Coté à Lagos et à Johannesburg, le groupe dirigé par Wale Tinubu et présent au Ghana, au Bénin et au Togo, compte atteindre rapidement les 100 000 b/j. Rencontre avec son patron.

Propos recueillis par Nicholas Norbrook, pour The Africa Report

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Jeune Afrique : Vous avez finalement pris le contrôle des actifs de ConocoPhillips au Nigeria. Pourquoi cela a-t-il pris tant de temps ?

Wale Tinubu : Le processus a commencé en septembre 2013. Il s’agissait d’absorber une des plus importantes sociétés du secteur et dont les actifs sont bien supérieurs aux nôtres. Pour y parvenir, nous avons levé les fonds en effectuant des tours de table successifs : trois fois avec l’ouverture du capital par tranches de 350, 200 et 250 millions de dollars (262, 150 et 187 millions d’euros), et trois fois en ayant recours à l’endettement avec des emprunts de 450, 250 et 100 millions de dollars. Soit en tout 1,6 milliard de dollars. Nous avons été confrontés à quelques délais réglementaires – inévitables – et il nous a fallu six mois de plus que prévu pour obtenir l’autorisation du régulateur. Mais qu’est-ce que six mois quand ces puits s’apprêtent à produire pendant cent ans ? Cela valait la peine d’attendre !

Un grand bon en avant

Chiffre d’affaires : 3 milliards d’euros en 2012 ; plus de 4 milliards d’euros aujourd’hui

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Production : 10 000 b/j à l’origine ; entre 50 000 et 60 000 b/j postacquisition

Réserves  : 300 millions de barils équivalent pétrole, dont 213 millions grâce à l’acquisition de ConocoPhillips

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Le secteur bancaire local vous a suivi dans cette aventure…

Parmi ceux qui nous ont soutenus dans cette opération, on compte entre autres FBN, FCMB, Diamond Bank, Ecobank. Les banques nigérianes ont apporté près de 50 % du financement total et elles étaient prêtes à en financer l’intégralité si les groupes étrangers avaient reculé devant le risque. Le marché réalise maintenant que l’exploitation des actifs pétroliers n’est pas réservée aux entreprises étrangères. Les acteurs locaux ont affirmé leur foi dans notre compagnie, car nous remboursons nos dettes et versons des dividendes à des institutions partout dans le monde, à des banques asiatiques, européennes et américaines.

Pouvez-vous replacer cette opération dans le contexte de l’industrie nationale ?

Elle nous propulse au rang de principal producteur local de pétrole et de gaz. Nous disposons aussi des plus importantes réserves, et de loin. En outre, avec la compagnie nationale NNPC, nous sommes la première société locale à être un réel partenaire au sein de coentreprises avec des majors telles qu’Exxon, Total, Chevron, Shell ou ENI.

Quelles perspectives cette opération vous ouvre-t-elle ?

Tout d’abord, elle nous donne accès à des infrastructures capables de traiter 350 000 b/j. Pour l’instant, nous produisons 60 000 b/j. Il y a donc une grande capacité disponible que nous devons utiliser. Pour cela, nous allons augmenter notre production. Deuxièmement, nous possédons notre propre oléoduc et notre propre terminal d’exportation. Nous n’avons donc pas à payer de frais de manutention à des majors. Troisièmement, nous avons des gisements non encore exploités qui pourront être reliés au système de production. Enfin, nous reprenons une centrale électrique au gaz déjà opérationnelle.

Votre compatriote Kola Karim, le patron de Shoreline Energy, dit au sujet des acteurs locaux : « Nous ne sommes pas des étrangers, et ça change tout… » Partagez-vous cet avis ?

Je ne crois pas que cela soit aussi simple. Certes, plus les actifs sont fragmentés, sous le contrôle d’intérêts locaux, mieux c’est. De plus en plus de communautés locales sont impliquées dans la gestion de ces actifs et elles en bénéficient. Mais il faut éviter une situation où une très importante surface est contrôlée par un seul producteur.

 Nous sommes beaucoup plus importants que nos concurrents nigérians. Nous pesons 5 milliards de dollars.

Qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents nigérians ?

Tout d’abord, nous sommes beaucoup plus importants. Nous pesons 5 milliards de dollars. Ensuite, nous contrôlons de vastes réserves. Nous sommes cotés, nous avons des actionnaires internationaux et locaux. Mais nos concurrents, comme Splat, par exemple, sont de plus en plus actifs. Cela crée une saine émulation. Par rapport à celles des majors, nos perspectives sont différentes. Implantées ailleurs dans le monde, ces sociétés arbitrent les stratégies d’investissement à un niveau global. En tant que producteurs locaux, notre horizon est plus limité, et nous acceptons de prendre davantage de risques.

Êtes-vous à l’affût d’autres opportunités ?

Tant qu’il y aura des gisements prouvés et viables, nous considérons que, au prix auquel nous voyons ces actifs, notre politique doit être d’en acquérir autant que possible ces deux prochaines années. Nous avons le sentiment que la majeure partie des transferts de valeur a lieu en ce moment. Et, très bientôt, la fenêtre se refermera pour les quarante prochaines années. Nous recommencerons donc à lever des fonds pour des acquisitions. Mais nous avons atteint notre objectif de réserve et atteindrons nos objectifs de production. À présent, nous allons nous concentrer sur l’opérationnel. 

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