Manque d’énergie

Parmi les premiers producteurs mondiaux d’hydrocarbures, le continent affiche un bilan énergétique particulièrement déséquilibré.

Publié le 2 janvier 2007 Lecture : 5 minutes.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) vient de publier un important rapport sur la situation énergétique mondiale*. L’enquête compare les principales ressources actuellement disponibles – pétrole, gaz, charbon, nucléaire notamment – en fonction d’une multitude de paramètres : l’offre, la demande, le prix, les conséquences sur le réchauffement climatique, etc. Remontant au début des années 1990 pour se projeter à l’horizon 2015-2030, le texte permet notamment de situer l’Afrique – pour une fois en tant que continent et non en tant que conglomérat de sous-régions – sur l’échiquier énergétique mondial. Le point sur la situation en six questions.

Que consomme l’Afrique et quelle proportion de l’énergie mondiale absorbe-t-elle ?
Toutes énergies confondues, l’Afrique a consommé 435 millions de tonnes-équivalent pétrole (tep) en 2004. Une quantité qui lui confère le ratio par habitant le plus faible de la planète, avec 0,5 tep par an, contre 1,2 tep en moyenne sur la planète. Conséquence : alors que le continent abrite 13,7 % de la population mondiale, il ne consomme que 5,7 % de l’énergie disponible sur le globe. La situation devrait encore empirer d’ici à 2030 : l’Africain moyen devrait voir sa consommation énergétique continuer à baisser (en passant à 0,47 tep par an) en raison de la croissance démographique particulièrement forte sur le continent (+ 1,9 % par an, contre + 1 % au niveau mondial). La consommation totale de l’Afrique devrait, elle, passer à 687 millions de tep répartis entre 1,5 milliard d’individus (soit 5,9 % de la consommation mondiale pour 17,6 % de la population de la planète).
Une autre donnée permet de mieux saisir pourquoi le continent supporte, sans trop de difficulté, la hausse des prix : en 2004, 58 % de l’énergie qu’il consommait provenait de la biomasse et du bois de chauffe. Une proportion qui s’élèvera encore à 47 % en 2030. Le pétrole brut ne représente, lui, que 25 % de la consommation énergétique africaine, mais son coût pèse davantage sur la vie des populations urbaines. Quant aux énergies renouvelables (eau, vent, soleil) – dont l’Afrique dispose en quantité -, elles en représentent à peine 2 %. Il s’agit d’hydroélectricité la plupart du temps. À moins d’importants investissements, cette proportion ne dépassera pas les 3 % à l’horizon 2030.

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Quel est le montant des recettes pétrolières africaines ?
En 2005, le continent a produit, en moyenne, 8 millions de barils de brut par jour (b/j). Les deux tiers (5,3 millions de b/j) provenaient des trois États membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) : le Nigeria, la Libye et l’Algérie. Le continent n’a brûlé que 2,7 millions de b/j, soit 34 %. Tout le reste a été exporté, ce qui représente une recette brute de 265 millions de dollars par jour – soit 97 milliards de dollars par an -, grâce au cours moyen du baril qui s’élevait à 50 dollars en 2005. Moyennant des investissements de l’ordre de 485 milliards de dollars d’ici à 2030, l’Afrique pourrait produire 11,5 millions de b/j pour une demande interne de 4,9 millions de b/j, soit un excédent de 6,6 millions de b/j à l’export. Selon l’AIE, le cours du baril devrait atteindre, à prix courants, 97 dollars dans vingt-cinq ans, ce qui représenterait une recette de 640 millions de dollars par jour et de 234 milliards de dollars par an.

Quel est le potentiel du gaz naturel africain ?
Le développement des capacités de production et de livraison du gaz naturel africain nécessiterait un investissement de 413 milliards de dollars dans la filière. Sa production connaîtrait alors une hausse de 4,5 % par an en 2030, contre 1,4 % pour l’or noir. Elle passerait de 146 à 490 milliards de m3 par an. La consommation locale triplerait (elle passerait de 76 à 215 milliards de m3/an) et les exportations quadrupleraient (de 70 à 275 milliards de m3/an). L’essentiel des exportations se ferait à destination de l’Europe via des gazoducs (de 66 milliards de m3/an actuellement, elle s’élèverait à 210 milliards de m3/an), le reste allant aux États-Unis par méthaniers (de 4 milliards de m3/an aujourd’hui, les ventes passeraient à 65 milliards de m3/an).

La technologie nucléaire va-t-elle se développer sur le continent ?
Si les projets sont nombreux dans le secteur nucléaire pour les vingt-cinq années à venir, peu de réalisations concrètes devraient pourtant voir le jour. L’AIE ne prévoit qu’une croissance de 0,4 % par an de la production d’électricité par les centrales nucléaires sud-africaines, les seules du continent qui avaient une capacité de 1 840 mégawatts et une production de 13 000 mégawattheures en 2004. Un scénario néanmoins susceptible de changer si les études lancées en janvier 2006, qui envisagent de construire une deuxième centrale nucléaire à Koeberg, près du Cap, voient le jour. Cette dernière utiliserait la technologie récente avec galets d’uranium du consortium PBMR réunissant la firme sud-africaine Eskom et les sociétés américaine Exelon et britannique British Nuclear Fuel. Le nucléaire civil fournit actuellement 7 % de l’électricité de la nation Arc-en-Ciel, soit dix fois moins que le charbon (75 %), dont les réserves vont permettre au pays de tenir encore cent cinquante ans.

Pourquoi le charbon est-il la ressource la plus répandue en Afrique ?
Le charbon est la ressource énergétique la plus abondante au monde. Elle est en outre l’une des mieux réparties, puisqu’elle est présente à peu près partout autour du globe. Son potentiel actuel est estimé à 909 milliards de tonnes, soit de quoi tenir encore cent cinquante-cinq ans environ, si le rythme de la production se maintient. Avec 5 % des réserves mondiales de charbon, l’Afrique du Sud arrive au sixième rang des pays qui en sont le plus pourvus, derrière les États-Unis (27 % des réserves), la Russie (17 %), la Chine (13 %), l’Inde (10 %) et l’Australie (9 %). Si la part de ce combustible dans la consommation africaine est limitée (4 %), il reste cependant l’une des sources de production électrique privilégiées : en 2004, il était à l’origine de 24 % de la production de courant et le sera encore en 2030 à hauteur de 44 %. Comme pour le pétrole et le gaz, la production africaine de charbon est excédentaire : le continent en produit 248 millions de tonnes, pour une consommation de seulement 193 millions. La part exportée devrait passer de 55 millions de tonnes en 2004 à 84 millions en 2030 (soit le quart de la production africaine destinée à l’export).

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Quelle place pour les bioénergies en Afrique ?
Inexistant sur le continent, l’éthanol – un mélange de carburant traditionnel et d’alcool d’origine végétale – représente aujourd’hui 1 % de la consommation mondiale de carburants (15,5 millions de tep). À l’horizon 2030, cette proportion se situerait, selon les scénarios de l’AIE, entre 4 % et 7 % de la consommation de la planète (entre 90 et 150 millions de tep). Le continent africain pourrait, lui, utiliser ces nouvelles énergies à partir de 2010 (à hauteur de 600 000 tep) pour atteindre 3,5 millions de tep en 2030, soit 0,5 % de la consommation totale. Maigre consolation pour un continent qui regorge de sources renouvelables à l’infini…

* World Energy Outlook, AIE, Paris, novembre 2006, 150 euros.

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