Connaissez-vous Haroun ?
En cette fin d’année 2006, le bruit des armes résonne à nouveau au Tchad, un pays en guerre de manière presque permanente depuis plus de quarante ans. Raison de plus de saluer la sortie sur les écrans d’un film remarquable tourné dans le pays d’Idriss Déby Itno par un cinéaste qui ne se résigne pas à cette logique destructrice.
Daratt (« Saison sèche »), de Mahamat-Saleh Haroun, est pourtant hanté par la guerre. Au mois d’avril, à N’Djamena, son tournage a d’ailleurs été perturbé par un raid meurtrier de « rebelles ». Il a fallu au réalisateur beaucoup de sang-froid pour convaincre son équipe technique – un temps amputée de la costumière et de la régisseuse parties se réfugier au Cameroun voisin – et ses acteurs, tous amateurs, de reprendre le travail.
L’histoire ressemble à une tragédie classique. Atim, 16 ans, est orphelin. Son père a été tué de façon atroce, avant même sa naissance, par un militaire tortionnaire. Quand le film débute, l’adolescent est chargé par son grand-père aveugle, qui lui confie une arme, de venger la famille. Il part donc pour la capitale, où réside l’assassin, un nommé Nassara, qui a été amnistié pour son crime. Depuis, il se comporte en bon musulman et gagne sa vie comme boulanger. Pour parvenir à ses fins, Atim se fait embaucher par lui. Et c’est là que les choses se compliquent
Comment se résoudre à exécuter un homme qui lui apprend à fabriquer du pain, le traite comme son fils et lui propose même de l’adopter ? En même temps, comment trahir le serment fait à son grand-père ? La vengeance peut-elle d’ailleurs réparer une injustice ? On ne racontera pas la fin du film, cinématographiquement très inventive, qui permet à l’adolescent de se sortir honorablement de ce dilemme. Mais on aura compris qu’elle illustre la victoire des forces de la vie sur celles de la mort.
Un tel scénario aurait pu déboucher sur un film-parabole, édifiant et ennuyeux. Ce n’est pas le cas, grâce au talent du réalisateur. Sans jamais insister, par petites touches et avec beaucoup de sensibilité, il parvient, à travers des images superbes mais jamais décoratives, à donner à son film une grande intensité. La mise en scène peut parfois sembler austère, « sèche » comme la saison évoquée par le titre, mais elle s’accorde parfaitement au propos.
Le Festival de Venise ne s’y est pas trompé, qui, au mois de septembre, a décerné à Daratt son Prix spécial du jury. Une récompense méritée pour l’un des deux seuls cinéastes tchadiens en activité, qui, film après film – Bye-bye Africa (1999), Abouna (2002) – s’impose comme l’un des grands espoirs du cinéma africain.
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