Comment négocier avec Téhéran
Comprendre la manière dont Téhéran voit le monde est essentiel pour évaluer les chances d’un éventuel dialogue. L’école de pensée représentée par le président Mahmoud Ahmadinejad l’a bien senti : les perspectives qui s’ouvrent devant l’Iran sont sans doute les plus prometteuses depuis des siècles. En Irak, les forces chiites sont conduites par des hommes formés en Iran, où ils ont vécu pendant plusieurs dizaines d’années. Au Liban, le Hezbollah, entraîné et guidé par l’Iran, est la force militaire la plus importante du pays. Face à la menace de cet arc chiite et de l’attrait qu’il exerce sur les populations chiites du nord-est de l’Arabie saoudite et de la côte occidentale du Golfe, les réactions des États sunnites – Égypte, Jordanie, Arabie saoudite – et des monarchies du Golfe oscillent entre inquiétude et début de panique.
Tout cela pourrait expliquer l’insolence du comportement d’Ahmadinejad lors de sa venue à New York. Son message semble être le suivant : « Ne me parlez pas de votre ordre du monde. N’ayant pas participé à l’élaboration de ses règles, nous les méprisons. À l’avenir, c’est le djihad qui les définira, ou, au moins, contribuera à les façonner. »
Si tel est bien le sens de l’attitude des Iraniens, il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils en changent simplement pour avoir l’occasion de parler avec les États-Unis. Seules deux choses pourraient les amener à négocier : 1. l’émergence d’une structure régionale qui rende les politiques impérialistes peu attrayantes ; 2. la crainte que, si les choses vont trop loin, l’Amérique soit amenée à déclencher des frappes contre eux. Tant que l’Iran continuera de se voir comme le fer de lance d’une croisade et non comme une nation, personne n’aura intérêt à la négociation. Tôt ou tard, l’Iran pourrait néanmoins finir par comprendre qu’il reste un pays pauvre, nullement en mesure de défier l’ordre du monde. Mais une telle évolution suppose que Washington et ses alliés mettent au point une stratégie et un programme de négociations précis et concret.
Tous les États sunnites de la région – l’Égypte, l’Arabie saoudite, la Jordanie, la fraction non chiite du gouvernement libanais, les émirats du Golfe – sont aujourd’hui terrorisés par la vague chiite. L’ouverture de négociations entre l’Iran et les États-Unis risque donc de provoquer une véritable débandade dans leurs rangs et les amener à multiplier les concessions préventives. Pour l’éviter, il faudrait que ces négociations soient précédées ou, au moins, accompagnées d’un effort sérieux pour rallier ses pays à une politique équilibrée.
Dans une telle politique, l’Iran devrait trouver une place respectée – mais nullement dominante. La relance du processus de paix en Palestine pourrait, dans cette perspective, jouer un rôle déterminant, ce qui implique une étroite coopération entre les États-Unis, l’Europe et les pays arabes modérés. Nous ne devons pas nous voiler la face devant cette réalité. L’Iran doit être encouragé à se comporter comme une nation. Et non à agir au nom d’une cause.
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