Ralph Nader, le « traître »

Publié le 25 octobre 2004 Lecture : 2 minutes.

Dans les années 1960 et 1970, il fut un héros de la gauche américaine. Et un allié précieux pour le Parti démocrate. Trente ans après, Ralph Nader est en passe d’en devenir le cauchemar. Candidat du Parti vert en 2000, il contribua à la victoire de Bush en refusant, contre toute raison, de retirer sa candidature. Il n’obtint que 2,7 % des suffrages exprimés, mais ceux-ci firent cruellement défaut à Gore. En Floride notamment, l’État où s’est jouée la décision, il aurait suffi que 1 % des 97 488 suffrages qu’il a recueillis se reportent sur le candidat démocrate pour que le résultat soit inversé. Cette année encore, il risque de porter un sérieux préjudice à Kerry. Si les électeurs ne sanctionnent pas son aveuglement.
Qu’est-ce qui incite le champion de la lutte pour la défense des consommateurs, l’homme qui, à la tête d’un petit groupe d’activistes, fit naguère plier les grandes firmes automobiles, General Motors en tête, accusées de commercialiser des véhicules peu sûrs, le militant intraitable qui contribua à la création de l’Agence de protection de l’environnement et à l’adoption de lois sur la liberté de l’information ou la pureté de l’air, à soutenir de facto l’une des politiques les plus réactionnaires, les plus nuisibles à l’environnement jamais mises en oeuvre aux États-Unis ? Certains mettent en cause son manque de clairvoyance politique, d’autres son ego démesuré, d’autres encore son intégrité… Ralph Nader, ce fils d’immigrés libanais diplômé de Princetown et de Harvard, cet excentrique qui a toujours refusé de posséder une automobile – ce qui, dans ce pays, en fait une sorte d’Alien – reste un mystère.
Nombre de ses partisans de la première heure l’ont aujourd’hui abandonné : il affecte de s’en moquer. Après avoir voté pour lui il y a quatre ans et l’avoir fait savoir, le cinéaste Michael Moore, auteur d’un célèbre pamphlet anti-Bush (Fahrenheit 9/11), l’adjure aujourd’hui de reconsidérer sa position : en vain. Même les Verts américains lui ont, au mois de juin, refusé leur investiture. Qu’importe, il part à la bataille sans l’aide d’aucun parti, pourvu d’un budget dérisoire – 90 000 dollars ! -, mais convaincu, seul contre tous, d’avoir raison. Entre démocrates et républicains, il ne voit de différence que « rhétorique ». Farouche adversaire du bipartisme, il appelle de ses voeux une recomposition du paysage politique et fustige les partisans du « Tout sauf Bush » : « sclérose intellectuelle », tranche-t-il.
Reste que, pour obtenir les parrainages nécessaires à la validation de sa candidature, il ne peut se passer de l’appui empressé des républicains et ne se montre guère regardant sur le choix des moyens. En Pennsylvanie, par exemple, les autorités administratives ont estimé que plusieurs milliers de signatures en sa faveur avaient été obtenues frauduleusement et ont finalement rejeté sa candidature. Au total, Nader devrait néanmoins être présent dans une quarantaine d’États. Dans neuf d’entre eux, il paraît être en mesure d’influer sur le résultat. Attention, danger !

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