Michel Hengo, peintre altruiste

Publié le 25 octobre 2004 Lecture : 4 minutes.

Heureux maître parmi ses disciples. Le peintre Michel Hengo, 62 ans, a le regard doux et la bonhomie de l’homme en paix avec lui-même et avec son environnement. Après avoir passé la plus grande partie de sa vie à Brazzaville, celui qui fait figure de doyen de la peinture congolaise est venu s’installer en 2000 à Pointe-Noire, au calme, dans le quartier portant le nom de « Sympathique ». Souhaitant transmettre son savoir et son expérience – l’homme est avant tout un autodidacte -, il a commencé à s’entourer de disciples. « Je veux aider les jeunes artistes à révéler leurs talents », explique-t-il. Une douzaine d’entre eux viennent chaque jour à son domicile pour apprendre les notions de base, le dessin, la perspective, les couleurs et leur mélange.

Dès sa tendre enfance, Michel Hengo manifeste un don pour la peinture. Né le 19 février 1942 à Mongo Massaka, dans la région de la Cuvette, il dessine très tôt sur la latérite avec ses doigts sous le regard attentionné de ses géniteurs. Des parents qu’il va perdre rapidement. Son père, d’abord, rend l’âme en 1950, sa mère trois ans plus tard. L’enfant est alors confié à son oncle pêcheur, qui n’hésite pas à lui infliger des volées de bois vert, son tuteur n’appréciant que modérément son goût pour le dessin. À l’école, le jeune élève s’exerce sur le tableau noir, ses professeurs successifs et ses camarades le choisissent pour tracer courbes, arabesques et croquis en classe de mathématiques ou de sciences naturelles. Très vite, ses enseignants lui parlent de Brazzaville et de la célèbre école d’art de Poto-Poto. Michel ne rêve plus que de la capitale, qu’il rejoindra en 1961 lors d’une visite à son frère aîné, menuisier. Dès lors, il s’attache aux basques du peintre réaliste Michel Ngando, qu’il aime à regarder longuement pratiquer son art. Mais ce dernier ne souhaite pas lui enseigner gratuitement sa technique. Il le charge d’aller vendre ses tableaux au marché. Exerçant son oeil au contact du maître, Hengo peint ses premières oeuvres après avoir acheté pinceaux et toiles avec ses maigres bénéfices. Souhaitant rentabiliser son travail, il propose alors ses créations aux habitants de Brazzaville. Avec un certain succès… Plusieurs expatriés et des missionnaires s’intéressent à ses oeuvres et lui passent des commandes. Début 1964, l’épouse d’un diplomate américain en poste dans la capitale, Gilberte Word, remarque son talent, se prend d’affection pour lui et lui installe un atelier dans les dépendances de son domicile. Mais l’ambassade américaine ferme la même année sous la menace du Mouvement national de la révolution du président Alphonse Massemba-Debat. Le peintre va alors végéter jusqu’en 1966, date de son entrée à l’annexe de l’École de peinture de Poto-Poto, où il apprendra les techniques de base. En 1968, l’annexe est fermée, mais Hengo continue de peindre, oscillant entre la figuration et l’abstraction. Il est notamment inspiré par les femmes et les scènes de vie sur les marchés. Il excelle également dans la technique des rainures qui créent une sensation de vibration permanente dans ses tableaux. Puis il se lance dans le cubisme. Mais Michel Hengo crée également à la demande, souvent dans une logique purement alimentaire, pour des privés ou pour l’État. De 1977 à 1991, il participe à la réalisation de timbres-poste, affiches et fresques murales, comme celle qui figure sur la place de la Rotonde à Brazzaville et retrace l’histoire du Congo depuis l’arrivée des colons jusqu’à la révolution communiste d’août 1963. Peintre non politisé, Hengo entretient néanmoins de bons rapports avec les autorités. Ce qui lui permet de répondre favorablement aux invitations du Festival des arts nègres de Lagos en 1977, de celui de la Jeunesse communiste à La Havane en 1978, ou encore à la Fête de la francophonie en 1982 à Paris.
À partir de 1990, Hengo entame une période abstraite et recourt aux symboles. Avant que la guerre le rattrape. Sa passion le suivra jusque dans les heures les plus tragiques de son pays. « Ce conflit m’a fait évoluer. Le pilonnage, les bombes, les éclats… Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les images des combats, les formes, les blessures, la fumée m’ont éveillé sur les lumières et les couleurs », explique-t-il. Et l’ont mené vers l’abstrait, Hengo se contentant de traduire la force des situations les plus tragiques plutôt que de les restituer dans leurs moindres détails. L’artiste travaille dorénavant surtout au couteau et à la spatule, conservant le pinceau pour les fonds de toile. De plus en plus, il utilise les matériaux locaux : fibre de coco, sable, latérite, coquillages, raphia… Les constellations, le cosmos, les étoiles sont également très présents dans ses créations. « J’aime les couleurs chaudes, le rouge, l’orange, le jaune, le violet », précise-t-il.

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Aujourd’hui, Michel Hengo souhaite aider les jeunes artistes qui ont connu les affres de la guerre. Son projet : monter un centre de formation à la peinture et une galerie à Pointe-Noire. Mais il sait mieux que quiconque qu’il est très difficile de vivre de son art dans le pays. « La plupart des toiles sont achetées par les expatriés. Les Congolais ne s’intéressent pas à nos peintures, ils sont assez indifférents aux choses de la culture », déplore le peintre. Seule la jeune génération d’intellectuels commence à acquérir des toiles. Pour les encourager, il propose ses oeuvres et celles de ses élèves à crédit.

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