Le vaccin de l’espoir

Pour la première fois depuis plus de cinquante ans de recherche, un « candidat vaccin » contre le paludisme a fait la preuve de son efficacité.

Publié le 25 octobre 2004 Lecture : 3 minutes.

C’est une étude publiée par le prestigieux hebdomadaire médical britannique The Lancet qui l’affirme : un essai clinique d’un « candidat vaccin » sur 2 022 enfants du sud du Mozambique, âgés de 1 à 4 ans, présente une certaine efficacité contre les manifestations cliniques du paludisme. Approuvé par le ministère de la Santé de ce pays, il a été mené par le Centro de Investigação em Saude da Manhiça (CISM) et cosponsorisé par GSK Biologicals et la Malaria Vaccine Initiative (MVI), mise sur pied en 1999 avec une bourse de la Fondation Bill et Melinda Gates.
« Les résultats obtenus sont infiniment encourageants, a déclaré Jean Stéphenne, PDG de GSK Biologicals, filiale du grand laboratoire britannique GlaxoSmithKline. Ce projet démontre toutes les possibilités d’une collaboration entre les secteurs public et privé. » « C’est une avancée capitale dans le domaine des vaccins contre le paludisme », a renchéri le Dr Melinda Moree, directeur de la MVI, qui a conclu un accord de partenariat en 2000 avec GSK Biologicals, responsable des recherches menées à Rixensart, en Belgique.
Au Mozambique, l’essai clinique a été dirigé par le Dr Pedro Alonso, principal instigateur de l’étude au sein du CISM et responsable du Centre de santé international de l’hôpital universitaire de Barcelone. Il a été mené en double aveugle. Quatre-vingt-douze pour cent des 2 022 enfants, divisés en deux cohortes, ont reçu soit les trois doses du vaccin antipaludéen, soit, dans le groupe témoin, d’autres vaccins pédiatriques contre le pneumocoque ou l’Hemophilus influenza. Il est apparu que l’efficacité contre les manifestations cliniques du paludisme est de 30 %, que l’efficacité contre la première infection est de 45 % et l’efficacité contre les formes palustres sévères est de 58 %. Point important, la protection acquise par les enfants vaccinés s’est prolongée pendant au moins six mois. Ces enfants demeurent sous surveillance. Aucun décès n’a été considéré comme lié à la vaccination.
Le vaccin, baptisé RTS, S/AS02A, vise la forme du parasite Plasmodium falciparum transmise par les moustiques, connue sous le nom de sporozoïte. Le Plasmodium falciparum est à l’origine du plus grand nombre de cas de paludisme et des plus dangereux. Le vaccin attaque son action au stade « préérythrocytaire », c’est-à-dire entre la piqûre infestante et l’invasion des cellules hépatiques. Les anticorps et les globules blancs induits par la vaccination empêchent le sporozoïte de survivre ou de poursuivre son développement dans le foie. C’est dans une seconde étape, après l’invasion des globules rouges par les parasites, que l’infection peut être fatale.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, une bonne vingtaine de vaccins sont au stade clinique et d’autres en développement. La communauté scientifique est particulièrement sceptique à l’égard du vaccin antipaludéen depuis les mésaventures du « Louis Pasteur sud-américain » Manuel Patarroyo, un chercheur colombien de l’Institut d’immunologie de Bogotá. En 1994, il publiait dans The Lancet les résultats, jugés « très encourageants », d’un essai réalisé en Tanzanie, dans une zone très impaludée, d’un vaccin synthétique, le SPF66. Ces résultats, jugés « très encourageants », n’ont jamais été confirmés. En septembre 1996, The Lancet a publié une autre étude montrant qu’un test effectué dans un camp de réfugiés en Thaïlande donnait autant d’enfants victimes d’accès palustres dans une cohorte vaccinée que dans une autre non vaccinée.
C’est que, sans être aussi mutant que le VIH, le Psalmodium falciparum remplace constamment le manteau de sa surface pour tromper les gardiens immunologiques de son hôte. « C’est un parasite très complexe qui passe par différents stades de développement au sein de l’organisme humain, explique le Dr Joe Cohen, de GSK Biologicals, co-inventeur du RTS, S/AS02A. Mais notre acharnement de plus de quinze ans a fini par être récompensé. »
Le paludisme provoque chaque année dans le monde 300 millions de cas cliniques et fait plus de 1 million de décès dans les pays les plus défavorisés. En Afrique subsaharienne, il tue plus d’enfants que n’importe quelle autre maladie infectieuse. Rien qu’en Afrique, il engendre des coûts de l’ordre de 12 milliards de dollars par an. En raison des essais complémentaires qui doivent être menés, un vaccin approuvé par les autorités ne pourra être disponible avant 2010. Bien que la surface des zones impaludées ait été réduite de moitié au XXe siècle, à cette date, la moitié de la population mondiale, soit 3,5 milliards de personnes, vivra dans des régions où le paludisme sévit encore.

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