Le nerf de la paix

Publié le 25 octobre 2004 Lecture : 3 minutes.

C’est l’histoire classique de la bouteille à demi pleine ou à demi vide. Sept ans après le retour de Denis Sassou Nguesso au pouvoir, ce qui reste à accomplir pour que le Congo en finisse avec ses démons est aussi long que le chemin déjà parcouru en ce sens. Par quoi commencer ? Par l’évidence : les Congolais apprennent enfin le sens des mots paix et stabilité. Ils ont à leur tête un chef d’État qui ne manque ni d’habileté ni de finesse politique, et à qui l’âge et l’expérience ont appris à gouverner au centre. Si aujourd’hui aucune communauté ethnique ne peut raisonnablement s’estimer exclue, a priori, des bénéfices – si ce n’est de l’exercice – du pouvoir, c’est parce que le Sassou Nguesso nouvelle manière, celui d’après 1997, a très vite appris à composer avec la mondialisation des règles de la bonne gouvernance : on ne dirige pas un pays sur la base d’un clan, d’une famille ou d’une tribu, sauf dans les dictatures désormais obsolètes. Reconnu et respecté en Afrique centrale, le président congolais n’est pas loin d’intégrer le club restreint des sages du continent, ceux que l’on critique le jour parce que c’est politiquement correct, mais dont on vient la nuit solliciter les conseils, l’entremise et le viatique. Profondément congolais et africain, beaucoup plus que ne le laissent entrevoir son élégance et ses costumes du plus grand chic européen, Denis Sassou Nguesso a su en outre s’entourer d’une nouvelle génération de cadres issus de la société civile congolaise, là où l’imagination et le talent n’ont jamais fait défaut.

Pourtant, malgré les efforts du chef pour être – ou apparaître – juste, les Congolais vivent encore en état de malaise, les rapports politiques se déclinent toujours sur le mode de l’hypocrisie, le tribalisme est une réalité quotidienne, la violence est presque partout sous-jacente, à fleur de peau et de bouche, l’arrogance est une manière d’exister pour le plus petit détenteur d’une parcelle de pouvoir. Ce mal a un nom, une cause : l’argent. Un argent trop rare et trop abondant à la fois, trop ostentatoire, concentré dans trop peu de mains et dont trop de Congolais sont exclus. Remédier à ce déséquilibre, mieux répartir les fruits d’une manne pétrolière forcément provisoire, mettre un terme aux dépenses excessives et à l’enrichissement sauvage de ceux à qui la proximité du soleil fait perdre la tête, obliger surtout les plus riches à investir chez eux, au Congo, et à y créer des emplois plutôt que de nourrir les banques suisses et les agences immobilières parisiennes : qui, si ce n’est le chef de l’État lui-même, parviendra à désintoxiquer les Congolais de leur obsession de l’argent, eux qui entretiennent avec le franc CFA un rapport d’envie et de haine dévoreur d’énergie et source de bien des velléités déstabilisatrices ?
Il ne s’agit certes pas là d’une affaire nouvelle, et le Congo n’est pas le seul dans ce cas. Ce défi à relever, ajoutera-t-on à juste titre, va de pair avec une économie en pleine mutation, qui a recouvré le goût de la croissance. Dans le fond, il est aussi le signe que le Congo est sur la bonne voie, à condition que les appétits soient maîtrisés et que chacun soit invité au repas. Il faut certes une bonne dose d’obstination et de courage politique pour ne pas oublier que gouverner, c’est partager. Denis Sassou Nguesso, fort heureusement, ne manque ni de l’une ni de l’autre.

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