L’éducation, victime de guerre

Publié le 25 octobre 2004 Lecture : 3 minutes.

Le 4 octobre dernier, jour de la rentrée scolaire, les enfants n’ont pas tous repris le chemin de l’école. Loin s’en faut. Selon les estimations, près de 23 % des élèves de 6 à 11 ans, soit quelque 100 000 enfants, manqueraient à l’appel. Un désastre pour un pays qui, dans les années 1980, affichait des taux nets de scolarisation proches de 100 %. Bien sûr, ce sont les filles qui sont les plus touchées. En 2000, seulement 75 % d’entre elles étaient scolarisées, contre 80 % des garçons. Les conflits armés des années 1990 expliquent cette baisse. Destructions ou pillages, déplacements de milliers de personnes, disparition d’enseignants… Les conséquences de la guerre ont annihilé les efforts accomplis en matière d’éducation, particulièrement dans la région du Pool. Sur 6 425 salles de classe opérationnelles en 1997, il n’en restait que 5 596 après la guerre. Quelque 80 établissements ont été pillés à Brazzaville-centre, notamment à Poto-Poto et à Moungali. Dans les zones rurales, de nombreuses écoles sont fermées, faute d’enseignants, au point que certains villages sont obligés de recruter des prestataires non qualifiés.

Toutefois, les troubles sociopolitiques n’expliquent pas tout. D’ailleurs, le retour à la paix ne s’est pas accompagné d’une remontée spectaculaire des effectifs scolaires. Pour preuve, l’évolution du nombre d’admissions en première année d’école primaire, qui confirme le désintérêt croissant pour l’école. De 68 % en 1991, le taux d’admission tombe à 36 % en 1999, pour se stabiliser autour de 50 % en 2001. Quelles sont les causes de cette désaffection ? « À quoi bon envoyer un enfant à l’école ? Il n’y a plus d’embauche dans la fonction publique et dans les entreprises. Pour faire du commerce dans la rue, on n’a besoin que de savoir compter », soupire Marie, une mère de famille pour qui l’enseignement n’apparaît plus comme un moyen de promotion sociale. Pour Louise, c’est surtout un problème d’argent. « On a déjà des difficultés à joindre les deux bouts. Quand arrive la rentrée, on n’a pas les moyens d’acheter les cahiers et les livres. » Plus grave, l’enseignement s’est fortement dégradé.
Force est de reconnaître que, depuis une quinzaine d’années, les enseignants manquent de qualification et de suivi pédagogique. Et leur nombre est en baisse constante. Le déficit actuel est estimé à 1 946 maîtres. En cause, la faiblesse des recrutements, le départ d’enseignants actifs vers d’autres administrations et la mauvaise planification des affectations. De toute façon, la fonction n’attire plus grand monde. Classes surchargées, manque d’équipements, bas salaires et perspectives de carrière limitées… Toutes les conditions sont réunies pour décourager les vocations ou les détourner vers l’enseignement privé. La dégradation du système scolaire se reflète dans les résultats. Sur 100 élèves inscrits en première année de primaire, à peine un tiers atteint la fin du cycle. Et environ un élève sur trois redouble une classe. Plus le niveau de l’apprentissage devient élevé, plus les situations d’échec se multiplient. Le taux de réussite au certificat d’études primaires est également en baisse : 40 % à 50 % des candidats obtiennent le diplôme, alors qu’ils étaient 65 % en 1987.

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Dans ce sombre tableau, une petite note optimiste toutefois. Si elles sont moins scolarisées que leurs « frères », une fois inscrites à l’école, les filles ont de meilleurs résultats que les garçons. Et elles sont moins nombreuses à redoubler ou à abandonner. Les parents qui en ont les moyens envoient de plus en plus leur progéniture dans les établissements privés, dont le nombre est en expansion : 596 en 2002 contre 459 en 2000, soit le quart des établissements du pays. Mais le bilan de l’enseignement privé reste à faire. Pour l’heure, son poids n’est pas négligeable, puisqu’il reçoit un cinquième des élèves inscrits. S’il est encore appelé à se développer, il n’en reste pas moins qu’un nombre important d’enfants ne vont pas à l’école ou en ressortent avec un niveau très insuffisant. Sans parler de tous ceux qui ont fréquenté l’école en pointillé ou ont préféré la lutte armée durant les années 1990. Une génération sacrifiée…

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