L’amour en dernière instance

Histoire d’une passion qui éclot avant de se transformer en cauchemar. Bouleversant.

Publié le 26 octobre 2004 Lecture : 2 minutes.

« La première fois que je t’ai rencontré, je t’ai trouvé froid… » C’est normal, a-t-on envie de dire à la narratrice. Après tout, « il » n’est encore qu’un physiothérapeute qu’elle consulte parce qu’elle a le bassin un peu translaté. « Ce n’est pas la seule chose qui cloche en moi », écrit-elle avec une ironie un peu mélancolique. Son défaut le plus attendrissant semble être la complète disponibilité de son coeur d’abord, de son corps peut-être ; ce qui nous vaut ce petit livre bouleversant sur l’amour qui vient trop tard, l’amour qui ne sauve pas.
Bientôt, le physio et sa cliente si fragile prennent l’habitude d’aller se promener ensemble entre deux séances. Un air de Mozart les accompagne, l’esplanade du musée d’Art moderne s’offre pour décor aux amours naissantes. « Parce que j’évitais de lever le visage pour ne pas être aveuglée, tes épaules embrassant le ciel bleu devant moi me semblèrent un nouvel horizon. » Voilà comment on passe sans effort d’une observation pratique à la métaphore d’une passion qui éclot. Du grand art.
Et puis, tout s’écroule. Il apprend qu’il a le cancer. C’est très grave. Pour elle, c’est une double tragédie. Elle l’aime. Elle sait qu’elle l’aime. Et elle ne peut rien pour lui. Elle ne peut qu’assister, impuissante, aux ravages de la maladie. Le bel insulaire perd ses cheveux, maigrit, mais elle ne veut voir que ses yeux. C’est en regardant un objet, la plaque professionnelle vissée au mur, qu’elle prend conscience de l’inéluctable. Un jour, bientôt, cette plaque ne sera plus là. C’est alors seulement que les larmes arrivent. Et les lettres, les mots désespérés. « Je t’écris que je t’aime malgré nos vies séparées. […] Je voudrais te lester de ce poids pour que tu restes sur terre. »
C’est que le temps leur est compté, littéralement. Elle se met à haïr le temps perdu dans les transports, les réunions de travail. Les minutes passent, « elles s’évaporent, font des étincelles d’or » mais ce ne sont pas des braises, ce sont des cendres. Elles ne réchauffent pas. Devant une telle détresse, c’est maintenant lui qui dit courage. Et du courage, il lui en faut pour le regarder, il est d’une maigreur effrayante, ses yeux ont perdu leur beauté. Et puis un jour, il n’appelle pas. Il a proprement disparu. S’est-il suicidé ? L’insulaire est bien capable, par pudeur, de s’en être allé sans rien dire. Pouvoir de l’écriture, ce livre sera son tombeau, grave et profond.
Sur une trame en somme assez ténue, Virginie Reisz a écrit un livre bouleversant. Il fallait une sensibilité peu commune pour raconter une histoire d’amour qui n’a pas vraiment eu lieu. Il fallait beaucoup de talent pour la rendre plus émouvante et plus forte que les confessions les plus intimes.

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