Karl Rove, le marionnettiste
L’histoire a, pendant quelques jours, agité le landernau politique américain : lors du premier débat télévisé contre John Kerry, la bosse nettement visible sous le costume de George W. Bush était-elle un simple faux pli ou un récepteur le reliant à son « cerveau » supposé, le redoutable Karl Rove ? Les rumeurs vont bon train, alimentées par l’idée que le président texan ne serait que la marionnette de son plus proche conseiller. Sans pousser le raisonnement aussi loin – Dick Cheney et Donald Rumsfeld, par exemple, ont aussi leur influence -, il est vrai que Karl Rove est une pièce maîtresse de la machine électorale destinée à garantir la réélection du poulain républicain. Seul membre de la Maison Blanche à avoir été attaqué nommément par John Kerry, Karl Rove a « fait » George W. et compte bien l’accompagner jusqu’au terme d’un second mandat. Pour cela, il a plusieurs avantages. D’abord, une foi totale en son candidat, rencontré pour la première fois en novembre 1973 : « Je me souviens encore de ce qu’il portait : un blouson d’aviateur de la garde nationale, des bottes de cow-boy, un jeans […]. Il émanait de lui plus de charisme qu’aucun individu ne devrait avoir le droit d’en posséder. » George W. est sa raison d’être, son oeuvre. En outre, Karl Rove est un tacticien hors pair, un cynique analyste aux connaissances encyclopédiques, un bourreau de travail qui connaît sur le bout des doigts la carte électorale et l’histoire politique des États-Unis, un Machiavel qui peut compter sur un réseau immense à travers tout le pays. Pour Kevin Philipps, auteur du classique The Emerging Republican Majority (1967), « il est le premier stratège à avoir fait élire un plouc président des États-Unis – et à orchestrer le triomphe d’un esprit relativement médiocre qui a perdu le vote populaire, mais qui a une chance de devenir un personnage historique grâce à Oussama Ben Laden ».
Aujourd’hui, Karl Rove tente de réduire l’élection présidentielle à une simple question : « Qui sera le meilleur commandant en chef en temps de guerre ? » Rove pense en effet que jouer sur la peur permettra la victoire, et c’est tout ce qui compte.
Président de l’association des étudiants républicains à 22 ans, en 1972, grâce au soutien d’un certain George Herbert Bush, puis tout entier consacré à la carrière du fiston, il est l’artisan de son élection au poste de gouverneur du Texas en 1994, de sa victoire à la Maison Blanche en 2000, du succès des législatives de 2002… Dépourvu de diplôme, surnommé Boy Genius par ses amis et Turd Blossom (Fleur de fumier) par ses ennemis, détesté de Colin Powell, ce quinquagénaire dégarni rêve d’une majorité républicaine « de long terme ». Lui se défend d’être un « coprésident » qui tire les ficelles : « Je lis ce qu’on écrit sur moi dans les journaux, et j’ai l’impression que l’on parle de quelqu’un d’autre. » Les réalisateurs Joseph Mealey et Michael Shoob viennent tout juste de lui consacrer un film. Son titre ? Le Cerveau de Bush (Bush’s Brain). Assorti d’une publicité sans équivoque : « Si Fahrenheit 9/11 vous a hanté, Bush’s Brain vous donnera des cauchemars. Découvrez Karl Rove, le plus puissant personnage politique que les États-Unis aient jamais connu. »
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