D’où vient la classification entre gauche et droite ?

Question posée par Boniface Mutadi, Douala, Cameroun

Publié le 26 octobre 2004 Lecture : 3 minutes.

Les termes « gauche » et « droite » sont hérités de l’Assemblée constituante française de 1789 où les royalistes occupaient la droite de l’Hémicycle tandis que les partisans de la révolution siégeaient à gauche. Aujourd’hui encore, la disposition des députés tient compte des affinités politiques : en France, les partisans du président Chirac siègent à droite du « perchoir », et les socialistes à gauche.
Mais le clivage entre gauche et droite ne renvoie pas aux mêmes réalités politiques selon les périodes historiques et les pays. Au XIXe siècle, lors de la révolution industrielle, la gauche (européenne) s’est structurée autour de la doctrine socialiste, qui dénonçait l’exploitation des travailleurs caractéristique du système capitaliste et prônait le collectivisme économique. Rapidement, ce courant s’est subdivisé entre les révolutionnaires d’une part, qui au XXe siècle sont devenus principalement les communistes, et les réformateurs d’autre part, devenus les sociaux-démocrates en Europe du Nord et les socialistes dans les pays d’Europe du Sud. Les grands partis de gauche européens, le Parti socialiste en France, le SPD en Allemagne, le Labour en Angleterre et le PSOE en Espagne sont tous aujourd’hui des partis de la mouvance social-démocrate, dont la politique n’a plus grand-chose à voir avec l’idéologie socialiste d’origine étant donné qu’ils acceptent largement l’économie de marché tout en cherchant à en limiter les effets négatifs. De manière générale, la gauche reste perçue comme l’apôtre des valeurs d’égalité, de solidarité et de progrès.
Quant à la droite européenne, elle s’est d’abord constituée au XIXe siècle autour des royalistes et des libéraux. Une variante française s’est enrichie des courants bonapartistes au XIXe et du gaullisme au XXe. Aujourd’hui, la droite est principalement composée d’un pôle conservateur, favorable au respect des valeurs traditionnelles, et d’un pôle libéral, qui prône le laisser-faire économique. Selon les pays, toutefois, le terme « libéral » a des connotations très différentes. Ainsi, les libéraux-démocrates anglais sont situés au centre, voire même à gauche pour certains sujets. Idem aux États-Unis. Lors du débat télévisé du 14 octobre, lorsque George W. Bush a qualifié son adversaire John Kerry de « liberal » il voulait dire « gauchiste ». Toujours chez les Américains, les adeptes du libéralisme économique figurent dans les rangs du Parti républicain qui regroupe également des conservateurs modérés, des centristes, ainsi que des partisans de la droite chrétienne, très radicale.
En Afrique, dans la plupart des pays, un ou plusieurs partis (comme le FPI en Côte d’Ivoire ou l’USFP au Maroc) se réclament du socialisme. Mais très peu s’affichent clairement à la droite de l’échiquier. Le clivage gauche-droite, quoi qu’il en soit, ne renvoie pas aux mêmes réalités que dans les pays industrialisés.
Dans les pays occidentaux, la distinction gauche/droite, réformateurs/conservateurs, reste d’importance, même si, régulièrement, certains commentateurs politiques remettent en question sa pertinence comme principal marqueur de l’échiquier politique. Les grands partis de gauche et de droite glisseraient de plus en plus vers le centre, d’où un manque de lisibilité de leurs programmes politiques. De plus, les grands sujets d’actualité, comme par exemple en France la question du port du foulard ou le référendum pour la Constitution européenne, divisent la gauche comme la droite. Parmi les partisans du « non » à la Constitution on retrouve, en effet, le socialiste Laurent Fabius aux côtés du député de la droite souverainiste Philippe de Villiers. Enfin, des mouvements tels que la Troisième Voie de Tony Blair affirment avoir dépassé les « vieux clivages » entre la gauche et la droite. Le Premier ministre britannique déclare en effet s’inscrire dans l’héritage de la gauche progressiste tout en oeuvrant, par exemple, à la promotion de l’entreprise. Pour ses détracteurs, il ne s’agit que d’un nouveau centrisme qui s’appuie sur les classes moyennes.
Cette évolution a favorisé la montée en puissance des extrêmes, notamment de l’extrême droite. Ces dernières années, les partis qui se réclament de cette tendance ont obtenu des scores impressionnants en France, en Autriche, en Belgique ou encore aux Pays-Bas.

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