Comment la Chine ira vers la démocratie

Publié le 26 octobre 2004 Lecture : 4 minutes.

La démocratie et les valeurs dont elle se veut porteuse sont-elles universellement valables ? Paraphrasant Churchill, il est loisible de les critiquer et de reconnaître en même temps que tous les autres systèmes de gouvernement sont bien pires.
L’on a donc des raisons de souhaiter à la fois le progrès de la voie démocratique dans le monde et d’admettre qu’il soit progressif. Cela équivaut à encourager ce qui peut conduire à l’élévation du niveau de l’information et de l’éducation des populations. Cette voie n’est peut-être pas suffisante pour assurer l’ouverture des systèmes politiques, mais elle est irremplaçable.
Il est intéressant d’évaluer l’impact des techniques modernes de communication sur l’information des individus et donc, potentiellement, sur leur aptitude à défendre leurs droits. L’exemple de la Chine s’impose.
Le massacre d’étudiants sur la place Tienanmen date de 1989. Grâce aux progrès techniques de l’information, il est présent dans toutes les mémoires. Il illustre l’absence de contrepoids au pouvoir communiste qui dirige la Chine depuis une cinquantaine d’années, tente d’asphyxier les libertés publiques de Hong Kong et aspire ostensiblement à annexer Taiwan avec ou sans le consentement de sa population.
Et pourtant la Chine d’aujourd’hui est-elle identique, politiquement parlant, à celle de Mao, toujours honoré, et dont elle est héritière ? Pour ceux qui ont visité le pays à l’époque de la Révolution culturelle, la réponse est à l’évidence négative. Dans un système totalitaire type, le monopole de l’information est la règle. Il s’impose à la presse, à la radio, à la télévision, à l’expression artistique.
Que constate-t-on aujourd’hui alors que le Parti communiste est toujours le seul détenteur du pouvoir politique ?
– Le nombre de téléphones portables est désormais égal ou supérieur à 250 millions d’unités, soit huit fois le total français.
– Avec près de 500 millions d’abonnés au téléphone fixe et mobile et 70 millions de personnes connectées à l’Internet, la Chine a profondément modifié le secteur des télécoms à l’échelle mondiale.
– Bien évidemment, le pouvoir politique cherche à garder le contrôle de l’information en bloquant l’accès à de nombreux sites étrangers et en tenant en laisse les sites nationaux. Il y parvient imparfaitement. La rapidité avec laquelle se sont répandues les nouvelles concernant l’épidémie respiratoire récente (SRAS) en est le témoignage.
Cette progression sera sans doute chaotique, mais il y a de bonnes raisons de penser qu’elle ne s’arrêtera pas. Au début de 2004, les compagnies chinoises de télécommunications ont passé commande aux États-Unis de 2,3 milliards de dollars d’équipements et de systèmes de communication.
– La Chine, qui est déjà le premier marché mondial de téléphones portables, pourrait le devenir d’ici à quelques années pour les ordinateurs personnels, absorbant 20 % de la production mondiale.
– La télévision, de même, est un secteur en évolution rapide. Au début de février 2004, le Financial Times a fait part de la décision des autorités chinoises d’autoriser les participations étrangères dans des sociétés locales de production de façon à alimenter les programmes des centaines de nouvelles chaînes ouvertes au public. Simultanément, ces autorités ont décidé de relâcher leur contrôle des médias et de le limiter à la radio, aux films et à la télévision.
On constate également la progression rapide du nombre des citoyens chinois, hommes d’affaires et touristes, sortant du territoire national et circulant à travers le monde alors même que leur pays s’ouvre de plus en plus au tourisme international et se prépare à accueillir les jeux Olympiques.
Ces évolutions signifient-elles l’alignement de Pékin sur la politique des droits de l’homme ? Certainement pas. Il est cependant indéniable que le style et les façons de faire du pouvoir chinois ont sensiblement évolué. Le changement ne peut que s’accélérer, à moins qu’un choc brutal ne remette en cause l’ensemble du système en place et ne provoque une réaction forte.
L’ouverture continue de la société est donc du domaine des probabilités ; elle accompagnera la progression du niveau de vie. Cela ne signifie pas qu’elle s’alignera simplement sur les critères des sociétés occidentales.
L’histoire de la Chine, sa culture, son caractère propre continueront de marquer une évolution que le monde extérieur peut encourager par une combinaison appropriée de pression, de compréhension et de réalisme. À des nuances près, une évaluation de même nature peut être faite à propos de nombreux pays soumis à la critique souvent juste, mais parfois inappropriée, de défenseurs des droits de l’homme qui peuvent à l’occasion pêcher par une intransigeance qui fait fi de la diversité des composantes de l’humanité et qui tend à oublier les longs cheminements qu’a connus l’Occident.
Seule une longue patience alliée à de fortes convictions et à beaucoup de réalisme et de savoir-faire peut réellement conduire l’Humanité, dans sa majorité, si ce n’est dans son ensemble, à un réel respect de l’être.

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