Combien de victimes ?
Depuis le premier naufrage au large des côtes espagnoles, en octobre 1988, combien d’immigrés africains ont-ils trouvé la mort en tentant de pénétrer clandestinement en Europe ? Les statistiques européennes et onusiennes ne se préoccupent guère de ce genre de comptabilité macabre. Il est vrai qu’il est presque impossible d’avancer un chiffre précis. D’abord, parce que le flux migratoire est incessant. Ensuite, parce qu’on ne connaît ni le nombre des partants ni celui des survivants, seulement celui des corps repêchés sur les côtes andalouses, canariennes ou italiennes. Tentons néanmoins une estimation.
À Madrid, les autorités parlent d’environ 800 morts depuis 1988, mais Pro-Derecho, une ONG espagnole, estime le nombre des victimes à au moins 4 000. La traversée du détroit de Gibraltar (14 km par le trajet le plus direct) est en effet à hauts risques pour les pateras, ces embarcations de fortune utilisées par les passeurs. Dans ces parages, les tempêtes sont violentes et le trafic maritime intense : tankers, navires marchands, sous-marins et autres bâtiments militaires y pullulent. S’ils parviennent en vue de la rive, les rafiots sont le plus souvent interceptés par les gardes-côtes espagnols. Au cours des dix premiers mois de l’année, près de 19 000 clandestins ont été appréhendés, contre 14 000 au cours de la même période de 2003. Cette augmentation est la conséquence directe de la mise en place d’une « frontière électronique » entre Barbate et Algésiras, avec ses miradors, ses caméras thermiques et infrarouges, ses hélicoptères et ses patrouilleurs maritimes. L’Espagne a consacré plus de 150 millions d’euros à l’amélioration de son Système intégral de surveillance extérieure (Sive).
Certains passeurs ont fini par renoncer à leurs activités illicites, mais d’autres demeurent très actifs. Il est vrai que le trafic est rémunérateur : chaque clandestin acquitte une somme comprise entre 800 euros et 1 000 euros. Au cours de la première semaine d’octobre, trois grosses barques ont été arraisonnées au large des îles Canaries. Elles tranportaient 114 passagers.
La vigilance espagnole a entraîné une intensification du trafic à destination de la petite île de Lampedusa, la « porte de l’Europe », à 110 km des côtes tunisiennes et 180 km des côtes libyennes. À Rome, on hurle « à l’invasion » : plus de 10 000 clandestins ont été arrêtés depuis janvier, contre 6 000 en 2003 et 3 000 en 1998.
La plus récente tragédie remonte à la nuit du 2 au 3 octobre, à Chatt Meriem, un petit village du Sahel tunisien où les corps de 17 clandestins, morts dans le naufrage de leur embarcation, ont été découverts sur la rive. Sur 75 passagers (essentiellement marocains et tunisiens), seuls 11 survivants ont été repêchés.
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