Un saut technologique

Sur ce marché très concurrentiel, la reprise de Camtel devrait aiguiser les appétits.

Publié le 25 septembre 2006 Lecture : 4 minutes.

Cette fois, c’est peut-être la bonne. Le processus de privatisation de la Cameroon Telecommunications (Camtel) devait entrer dans sa phase décisive en septembre. Sous la pression du FMI et de la Banque mondiale, le gouvernement semble donc résolu à conduire l’opération jusqu’à son terme, après plusieurs tentatives infructueuses. L’appel d’offres du 29 juin 2006 propose de céder 51 % des parts de l’État à un « partenaire stratégique ». Dans sa posture de vendeur, le gouvernement semble confiant. En effet, la mariée s’est parée de nouveaux atours, qui l’ont rendue plus séduisante. Le programme d’investissement minimum (PIM) signé en décembre 2003 entre l’État et Camtel a permis de débloquer 25 milliards de F CFA d’investissements en faveur du développement de la fibre optique, adossée au pipeline Tchad-Cameroun. Ce câble, connecté au réseau international à Kribi, comporte 14 sorties sur l’ensemble du territoire. Camtel a également poursuivi la numérisation progressive des terminaux et centraux téléphoniques, un déploiement de bon augure pour la fourniture d’accès à l’Internet haut débit. Le potentiel de développement est important, eu égard au taux de pénétration Internet inférieur à 0,1 % (le Sénégal en est à 0,8 %).
Le deuxième argument de poids c’est, bien sûr, la licence d’exploitation de la téléphonie mobile : Camtel a créé, le 16 mai 2006, une filiale, la Cameroon Mobile Telecommunications (CMT), constituant ainsi un troisième opérateur sur le marché national du mobile. L’entreprise rattrape ainsi la bourde de la cession de Camtel-Mobile au géant sud-africain MTN International en février 2000. L’opération avait fait chuter la valeur marchande de l’entreprise, hypothéquant du même coup sa privatisation. Elle nourrit encore des regrets : vendue pour seulement 47 milliards de F CFA, (l’opérateur sud-africain a déboursé 1 milliard de dollars pour une licence au Nigeria), l’ancienne Camtel-Mobile devenue MTN-Cameroun s’arroge aujourd’hui 54 % de parts de marché.
Le troisième atout est dans le produit CT Phone, une nouvelle offre de téléphonie résidentielle combinant téléphone fixe et mobile. Localisé à Yaoundé et à Douala, ce service est disponible en une heure, alors que le temps d’attente pour l’installation d’une ligne téléphonique classique peut durer des années. L’opérateur historique est très attendu sur ce marché. Alors qu’une minute de communication GSM coûte 275 F CFA, l’arrivée d’un troisième opérateur sur le segment du mobile est vivement souhaitée par la clientèle. Le service CT Phone proposé par Camtel a bouleversé les prix et réduit l’écart entre fixe et mobile : 120 F CFA la minute de communication de fixe à portable, contre 240 F CFA pour l’inverse.
Camtel fait désormais de l’ombre aux deux opérateurs qui règnent sur le marché du portable. Orange, filiale de France Telecom, et MTN se partagent 2,6 millions d’abonnés, pour un chiffre d’affaires cumulé de plus de 240 milliards de F CFA par an. Pour l’instant, la baisse des prix est à peine évoquée par les opérateurs privés. Mais elle prouve qu’il sera difficile à ce marché oligopolistique de digérer l’arrivée du ?troisième opérateur sans fluctuation.
Par ailleurs, la bataille de l’Internet, qui a cours depuis 2005, préfigure de l’avenir du secteur des télécommunications dans le pays : il sera hautement concurrentiel et à très forte valeur ajoutée. En 2005, MTN a obtenu une licence de fourniture d’accès Internet, malgré les protestations des fournisseurs locaux, pour lesquels une licence GSM ne donne pas le droit à ce type de services. Après un lobbying intense de MTN, le gouvernement a finalement validé, le 17 octobre 2005, le rachat, pour 2 milliards de F CFA, de Global Net, un fournisseur d’accès local qui exploite la fibre optique. L’opérateur sud-africain a créé dans la foulée MTN Network Solutions et a profité de la Coupe du monde de football en Allemagne pour lancer Internet sur le mobile. Désormais positionné sur le segment des services triple play qui permettent de véhiculer la voix, les données et la vidéo sur un seul support, l’opérateur sud-africain a pris de l’avance sur la concurrence. Mais Orange-Cameroun est dans son rétroviseur. Avec 24 milliards de bénéfices en 2005 et 8 % de croissance par rapport à l’exercice précédent, la filiale de France Telecom a créé Orange Cameroun Multimédia le 11 avril 2005, pour coller à la roue de son concurrent dans la course aux services large bande. Enfin, il faudra aussi compter avec les locaux. Face à l’intrusion des mastodontes du GSM, par réflexe de survie, les petits fournisseurs d’accès Internet ont fusionné pour constituer Matrix Telecom. Le consommateur, quant à lui, profitera de la baisse des prix qui devrait en résulter. L’acquéreur de Camtel aura du pain sur la planche, avec un cahier des charges assorti d’obligations de service public, face à des concurrents qui n’ont que des obligations de rentabilité. Mais le marché est prometteur, et l’environnement n’a jamais été aussi favorable.

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