Gabon : le Nord n’a plus la gueule de bois

Les massifs forestiers de la province du Woleu-Ntem, au gabon, sont enfin débarrassés des sociétés peu scrupuleuses qui ne respectaient ni la législation ni l’environnement. La filière repart sur des bases saines, et de plus en plus industrielles.

Le Woleu-Ntem est particulièrement visé par des sociétés qui exploitent illégalement sa forêt. © Baudouin Mouanda/JA

Le Woleu-Ntem est particulièrement visé par des sociétés qui exploitent illégalement sa forêt. © Baudouin Mouanda/JA

GEORGES-DOUGUELI_2024

Publié le 4 septembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Leurs noms sont connus des tribunaux correctionnels gabonais. Soliga, KIBG, SZBG, KIBG… Autant d’entreprises chinoises coupables de s’être livrées à l’exploitation illégale de la forêt dans le Woleu-Ntem.

En 2013, la scierie Soliga, basée à Mitzic, a même été fermée à titre conservatoire par le ministère de la Forêt, après que les agents publics eurent constaté qu’elle détenait et transformait du bois d’origine douteuse.

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Quant au patron de la société SZBG, Zhang Wanli, il a été arrêté le 14 juin 2013 par les agents des Eaux et Forêts basés à Ndjolé, avec l’aide de l’ONG Conservation Justice. « Ces sociétés sont connues pour ne respecter en rien la législation, saccageant ainsi les forêts gabonaises », se plaignent les représentants de l’ONG.

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Avec la province voisine de l’Ogooué-Ivindo, le Woleu-Ntem est particulièrement visé par des sociétés, principalement chinoises, qui exploitent illégalement sa forêt.

Essences commercialisables

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La région de Mitzic abrite l’un des massifs forestiers les plus exploités de la province. Parmi ceux qui y prélèvent les essences commercialisables, on recense des entreprises industrielles européennes (notamment françaises et italiennes) et, depuis une dizaine d’années, asiatiques (malaises, singapouriennes, chinoises…), ainsi que des exploitants nationaux disposant tous d’une autorisation de coupe.

Il y a aussi quelques scieurs clandestins et, dans leur sillage, des sociétés peu scrupuleuses qui tentent de contourner la législation, en amont comme en aval de la filière.

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Hors quotas

Avec la province voisine de l’Ogooué-Ivindo, le Woleu-Ntem est particulièrement visé par ces sociétés, principalement chinoises, qui exploitent illégalement sa forêt. Depuis leur arrivée dans le pays, au milieu des années 1990, leur poids est considérable. Elles se sont spécialisées dans le rachat d’autres entreprises étrangères ou de sociétés à capitaux gabonais, et dans la reprise de permis de coupe. On les retrouve aussi dans des activités de fermage.

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Dans la plupart des cas, en effet, les unités d’exploitation, réservées aux Gabonais par le code forestier de décembre 2001, sont sous-traitées à des sociétés étrangères. En signant ces contrats de fermage, les détenteurs de permis perçoivent d’importants loyers et peuvent s’assurer une rente sans avoir à investir dans leurs concessions.

Gabon : Olam, l’ami venu d’Asie

a présence du groupe singapourien est tout un symbole au Gabon. Elle représente le tropisme asiatique des nouvelles élites gabonaises. Olam a démarré ses activités dans le pays en 1999 et n’a cessé de les développer.

En janvier dernier, le groupe a annoncé qu’il allait céder une partie de ses actifs forestiers dans le pays à un consortium chinois (une transaction d’un montant de 18 millions de dollars, soit 13,4 millions d’euros, qui devrait être finalisée au quatrième trimestre de cette année), afin de se concentrer sur les quatre projets agro-industriels qu’il conduit en partenariat avec l’État : les plantations de palmiers à huile et d’hévéa, l’usine d’engrais de Port-Gentil et la Zone économique spéciale (ZES) de Nkok, la première du pays, aménagée à l’intention des industriels du bois.

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Le problème est qu’un grand nombre de petits exploitants asiatiques ont violé les lois en vigueur, alors que le code forestier prescrit la gestion durable des forêts à travers leur aménagement, l’industrialisation de la filière et la prise en compte des intérêts des communautés vivant des produits de la forêt.

Les contrevenants se sont livrés à des coupes hors zone et hors quotas, à l’usage de marteaux (interdit), à l’exploitation d’arbres inférieurs au diamètre minimum d’exploitation (DME) requis… Pour ne rien arranger, ces entreprises participaient très faiblement au développement économique et social de la province, puisqu’elles exportaient la majorité de leur bois en grumes et utilisaient principalement de la main-d’oeuvre et du matériel chinois.

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Plan national

Pour stopper le massacre, aussi bien dans la province que dans le reste du pays, le gouvernement a adopté le 2 mai 2013 un Plan d’action national de lutte contre l’exploitation forestière illégale (Panefi) destiné à améliorer l’application de la loi.

Mis en oeuvre par la direction générale des Forêts, ce plan a pour objectif de traquer toutes les sociétés peu respectueuses du code forestier, mais aussi d’accentuer la surveillance et de systématiser les sanctions à l’égard de nuisances d’un autre genre : celles des agents véreux de l’administration, qui acceptent des pots-de-vin pour assurer l’impunité aux exploitants convaincus de fraude. Ce tour de vis du gouvernement devrait pouvoir réduire la part des trafiquants et favoriser le secteur formel.

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Le gouvernement gabonais a également demandé à reprendre les négociations interrompues avec l’Union européenne sur le processus Forest Law Enforcement, Governance and Trade (FLEGT, Application des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux), qui conditionne l’ouverture de son marché aux produits des pays qui auront amélioré l’application des lois forestières et de la bonne gouvernance. Entre autres exigences, Bruxelles demande aux producteurs plus de transparence, notamment dans l’attribution des concessions forestières.

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