La clé des champs

Les opérations à venir seront d’autant plus délicates qu’elles concernent des filières employant une main-d’uvre importante.

Publié le 25 septembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Deux chiffres suffisent à mesurer l’importance de l’agro-industrie pour les Camerounais : 60 % de la population active vit du travail de la terre ; l’agriculture assure 40 % des exportations. Dans le contexte actuel de déclin des réserves pétrolières, la rationalisation de l’exploitation des ressources agricoles, dont le Cameroun, « Afrique en miniature », est généreusement doté (banane, thé, hévéa, coton, sucre), est vitale.
C’est le raisonnement qu’ont tenu les autorités en 1990, puis en 1994, lorsque, sur les insistants conseils des institutions de Bretton Woods, elles ont lancé les plans de privatisation des grandes entreprises agro-industrielles. L’Office camerounais de la banane (OCB), l’Office national de développement de l’aviculture et du petit bétail (ONDAPB), la Cameroon Sugar Company (Camsuco) la majeure partie du patrimoine agro-industriel est passé dans le giron du privé. Trois de ses piliers, la CDC (Cameroon Development Corporation), la Sodécoton (Société de développement du coton) et la Socapalm (Société camerounaise des palmeraies), mises sur le marché en 1994, connaissent des fortunes diverses. Douze ans plus tard, la CDC, mastodonte hérité de la colonisation britannique, est toujours sur le chemin de la privatisation. Avec ses 10 000 salariés – c’est le deuxième employeur du pays après la fonction publique -, ses trois filières (huile de palme, banane et hévéa) et ses 30 000 hectares de cultures, le groupe constitue un enjeu majeur. Mais seule une aile de ce gigantesque conglomérat est aujourd’hui privée : la filière thé, vendue en 2003 au sud-africain Brobon Finex, devenue depuis la Tea Estate Corporation (TEC). En mai 2004, un appel à manifestation d’intérêt a été lancé pour recruter une banque d’affaires chargée de préparer la privatisation des trois filières restantes. De source proche du dossier, aucune banque n’a été recrutée à l’heure actuelle. Le calendrier retenu prévoyait pourtant le lancement de l’appel d’offres en 2005. « Après le placement de la filière thé, des études ont été réalisées pour approfondir les problèmes fonciers, techniques et celui des ressources humaines », explique-t-on à la Commission technique des privatisations et liquidations (CTPL). La suite se fait toujours attendre. Il est probable que, comme en 2003, la société soit cédée par départements.
Autre dossier épineux : la Sodécoton, qui compte 1 600 employés et traite avec 360 000 petits producteurs. Lancé en 1994, le processus de privatisation n’a pas abouti. Il a été retardé par un long différend avec la Société mobilière d’investissement du Cameroun (Smic), à laquelle l’État a finalement reconnu, en 2001, la propriété de 11 % du capital. Un diagnostic de l’entreprise a été réalisé en 2000 par le cabinet français Sofreco. Six ans plus tard, l’étude mérite d’être actualisée. En 2003, un appel à manifestation d’intérêt pour recruter une banque d’affaires a été lancé. « À ma connaissance, il est resté sans suite », déclare le directeur général adjoint, Hervé Gruson. Pâtissant cruellement de la baisse des exportations, la Sodécoton a accusé une perte de 11 milliards de F CFA (16 millions d’euros) à la fin de son exercice 2005, après un exercice 2004 bénéficiaire (1,5 milliard de F CFA, soit 2,3 millions d’euros). Difficile, dans ces conditions, de trouver preneur. D’autant que d’importantes garanties sociales seront probablement exigées par les producteurs, rémunérés par la Sodécoton à des niveaux satisfaisants – « on s’estime heureux », déclare un membre de l’Organisation des producteurs de coton du Cameroun (OPCC).
Aux antipodes, on trouve la Socapalm : sa privatisation a effectivement abouti, en 2000. Cédée au belge Socfinal, désormais actionnaire majoritaire avec 46,52 % du capital, l’entreprise a vu sa production augmenter de 50 % entre 2000 et 2005, grâce à la maintenance des plantations et à l’utilisation des engrais. Toutefois, sous l’effet des importations illégales d’huile de palme et de la baisse des cours, le chiffre d’affaires n’a pas suivi la même progression : entre 2000 et 2005, il a augmenté de 23 %, passant de 21 milliards à 26 milliards de F CFA (de 32 à 40 millions d’euros). Toutefois, la Socapalm a beau être privatisée, le concours de l’État pour protéger la production nationale est encore nécessaire.

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