Port-Gentil s’aménage sans fracas
Isolée sur l’île Mandji, la capitale économique n’est accessible que par bateau ou par avion. Il était temps que le chantier des 100 km de route qui la relieront à la RN1, vers Libreville, soit lancé.
Nouvelle route, aménagement d’un aéroport international, modernisation du port… Le désenclavement est devenu une priorité pour la deuxième ville et capitale économique du pays, qui a bien du mal à diversifier ses activités, presque exclusivement liées à l’industrie pétrolière. Isolée sur la petite île Mandji, à l’embouchure du fleuve Ogooué, à 140 km au sud-ouest de Libreville, Port-Gentil, alias POG, n’est, encore aujourd’hui, accessible que par avion ou par bateau.
Aménagements
Principale porte d’entrée de la ville, le modeste aéroport va changer de stature (et de statut) d’ici à la fin de l’année pour accueillir des vols internationaux, moyen-courriers et long-courriers. La piste a été rallongée de 700 m et réhabilitée pour répondre aux normes internationales, et le chantier du nouveau terminal sera livré fin 2015.
Ces aménagements représentent un investissement global d’environ 88 millions d’euros, soit le double de ce qui avait été annoncé initialement, selon une source proche du dossier. « Cela va rapprocher Port-Gentil de l’Europe et des pays du Golfe, en évitant aux voyageurs une correspondance à Libreville », justifie Patrick Ozies, consultant pour Total Gabon. La compagnie pétrolière finance les travaux à travers un mécanisme original : les Provisions pour investissements diversifiés (PID), sorte de fonds de développement, où la compagnie verse une partie des impôts sur les bénéfices qu’elle doit à l’État.
L’aéroport pourra désormais recevoir 1 million de voyageurs par an, contre 300 000 aujourd’hui. « L’ouverture à l’international va faire considérablement augmenter le flux de passagers à Port-Gentil », estime Patrick Ozies. La ville prévoit aussi une croissance du trafic, avec le développement de la zone économique spéciale (ZES) de Port-Gentil créée en 2011, censée attirer de nouveaux investisseurs et créer des emplois. Une usine d’engrais doit notamment y être construite.
De la sortie sud de la ville partira la première voie terrestre permettant de relier Port-Gentil au reste du pays. Au bord de l’actuelle piste en terre cabossée, des dizaines de petites boutiques sont marquées à la peinture rouge. Elles laisseront bientôt place aux engins de terrassement.
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Titanesque
Ce sera « le chantier révolutionnaire pour la ville », assure le gouverneur de la province de l’Ogooué-Maritime, Martin Boguikouma. D’ici à cinq ans, une route bitumée de 93 km rejoindra la petite ville d’Omboué, au sud. Elle devra ensuite être prolongée vers l’est sur l’axe Mandji-Yombi pour enfin relier la route nationale 1, qui remonte jusqu’à Libreville.
Maintes fois envisagé depuis l’indépendance du pays, en 1960, le projet a toujours été repoussé en raison de la difficulté des travaux dans cette zone marécageuse. Pour le mettre à exécution, le gouvernement gabonais a obtenu un prêt de 64,8 milliards de F CFA (98,8 millions d’euros) de l’État chinois. Le chantier, confié à la China Road and Bridge Corporation (CRBC), s’annonce titanesque. Pour franchir certaines rivières et lagunes, l’entreprise a notamment prévu de construire deux ponts, de 5 km et 7 km.
Baisse des prix
Le désenclavement de la ville par la route est un enjeu crucial pour l’activité commerciale et agricole de la région. Tout le monde devrait en profiter : les forestiers, qui affrètent quotidiennement des barges pour transporter leurs grumes vers les usines de transformation de POG, mais aussi les commerçants, qui font le va-et-vient depuis les terres fertiles de l’intérieur, à bord de pirogues chargées de bananes plantains et de manioc. « Les commerçants ne seront plus à vingt-quatre heures de navigation, mais à deux heures de route des marchés de Port-Gentil. Les prix vont baisser », affirme le gouverneur Boguikouma.
Et il y a urgence, car le coût des denrées de base a flambé ces dernières années dans la capitale économique. Le paquet de manioc y coûte jusqu’à 10 000 F CFA. Une petite fortune pour le makaya (Gabonais lambda), qui n’a pas les moyens de s’offrir les produits importés par avion pour les cadres locaux et les expatriés du secteur pétrolier.
Selon l’étude sur la précarité remise par McKinsey en février au chef de l’État, le département de la Bendje (Port-Gentil) fait d’ailleurs partie des 6 départements (sur 48) où l’on recense le plus grand nombre de « foyers économiquement faibles » (FEF). « Vous savez ce qu’on dit : Port-Gentil a nourri le Gabon, mais le Gabon n’a pas nourri Port-Gentil », souligne d’un air résigné Maman Brigitte en étendant son linge, dans le quartier Balise 2, l’un des nombreux bidonvilles de POG.
C’est l’un des paradoxes de la capitale économique. Si elle concentre l’essentiel des richesses du pays grâce à l’activité pétrolière, elle n’emploie que 7 % de la main-d’oeuvre nationale, selon l’Enquête gabonaise de suivi et d’éducation de la pauvreté (Egep) de 2005. Et la majorité des 150 000 Port-Gentillais (la population a doublé en vingt ans) continue de s’entasser dans des cases précaires de tôle et de bois.
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