« Je ne veux pas que mon nom soit mêlé à un trafic de déchets toxiques »

Publié le 25 septembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Marcel Gossio, 55 ans, originaire de Bloléquin, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, a été nommé directeur du Port autonome d’Abidjan (PAA) par Laurent Gbagbo, au lendemain de son arrivée au pouvoir, en octobre 2000. Économiste de formation, il a travaillé dans la banque de 1977 à 1988, avant de créer un cabinet de consultation et d’études financières. Directeur du Centre régional des uvres universitaires (Crou) d’Abidjan de mars à novembre 2000, ce militant du Front populaire ivoirien (FPI, du président Gbagbo) depuis 1990, est resté à la tête du PAA de novembre 2000 à sa suspension, le 14 septembre 2006.
Jeune Afrique : Il y a quelques semaines encore, vous étiez l’un des hommes les plus puissants de Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, vous êtes suspendu de vos fonctions de directeur général du port, vous avez aussi été empêché le 18 septembre d’accéder à la réunion du conseil d’administration du PAA
Marcel Gossio : Ne me prêtez pas un pouvoir que je n’ai jamais eu. Je suis le modeste directeur d’un port. Je ne me suis pas rendu à cette réunion du conseil d’administration à laquelle je n’ai pas été convié.
Ne vous sentez-vous pas lâché par le chef de l’État, Laurent Gbagbo ? Ou vous a-t-il promis quelque chose ?
Le président de la République ne m’a fait aucun mal. Il s’est limité à demander au procureur d’ouvrir une enquête. C’est le Premier ministre qui a pris la décision de me suspendre, et l’a annoncé, le 14 septembre, dans une déclaration qui m’a exposé à la vindicte populaire. Le lendemain, ma maison a été incendiée. Et pour toute réaction, Konan Banny aurait dit que sa déclaration a été bien perçue par le peuple.
Pourquoi le Probo Koala a-t-il stationné au quai des hydrocarbures, vidé ses cales dans des citernes, et fait sortir les déchets du port sans aucune difficulté ?
Le port n’a pas vocation à retenir des déchets toxiques. Nous avons un parc de matières dangereuses où nous stockons des engins comme les bombes. Les matières toxiques liquides doivent être livrées à des entreprises spécialisées pour leur traitement. La société Tommy s’est présentée à nous comme telle. Et, si j’en crois le commandant du port, rien dans la réglementation ni dans les documents présentés ne s’opposait au « traitement » de ce navire.
N’êtes-vous pas quand même coupable d’avoir laissé sortir ces substances mortelles ?
Dans tous les ports du monde, l’entrée et la sortie des navires relèvent de la capitainerie, des officiers assermentés chargés des questions techniques. J’ai un rôle purement administratif. Je n’ai, par exemple, jamais entendu parler de slops [résidus toxiques des cargaisons de navires] avant ce scandale des déchets toxiques.
Que répondez-vous à ce journal qui vous accuse, ainsi que l’épouse du chef de l’État, Simone Gbagbo, et le gouverneur du district d’Abidjan, Pierre Amondji Djédji, d’avoir fait entrer les déchets toxiques moyennant paiement ?
En général, je n’accorde aucune valeur à ce type d’affabulation. Mais pour ce cas précis, le journal français qui a repris cette accusation va en répondre devant la justice de son pays. J’ai l’intention de porter plainte. Il faut que ces petits Blancs cessent de raconter n’importe quoi.
À défaut d’être coupable, vous sentez-vous responsable ?
Je ne me sens aucunement responsable. Le Premier ministre a parlé de responsabilité collective. Dans notre code pénal, la responsabilité est personnelle. Lui qui nous invite à « un sens élevé des responsabilités » était gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest [BCEAO] lorsque Sia Popo a dévalisé l’agence d’Abidjan et que les rebelles ont cassé celles de Bouaké et de Man. A-t-il démissionné ? Non.
D’aucuns disent que votre départ prive le président Gbagbo d’une pompe à fric
Ce sont nos adversaires politiques, façonnés par une culture de vol de l’argent public, qui débitent pareilles élucubrations. Ils méconnaissent le président Gbagbo, qui est loin d’être un homme d’argent. Je suis bien placé pour le dire. À la tête du port, j’ai toujours appliqué des méthodes rigoureuses de gestion, des procédures strictes de sortie d’argent.
Comment voyez-vous votre avenir ? De nouveau à la tête du PAA si vous êtes blanchi ou au fond d’une cellule si vous êtes condamné ?
Je suis toujours le directeur du port. J’attends d’être blanchi pour reprendre ma place. Mais je ne fais pas une fixation sur ce poste. Je peux servir mon pays ailleurs. Je tiens toutefois à éviter que Konan Banny mêle mon nom à un trafic de déchets toxiques. Pour trouver les coupables, il faut chercher du côté des Français arrêtés que le directeur de cabinet du Premier ministre a tenté de faire libérer.

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