Côte d’Ivoire : Alain Lobognon condamné à un an de prison au terme d’un procès tendu
L’ex-ministre des Sports et député Alain Lobognon, proche de Guillaume Soro, a été condamné à un an de prison ferme et à 300 000 F CFA d’amende, mardi, au terme d’un procès lors duquel toutes les exceptions de la défense ont été rejetées.
Alain Lobognon a été reconnu coupable mardi de « propagation de fausses nouvelles, incitation à la violence et trouble à l’ordre public » et condamné à un an de prison ferme et 300 000 F CFA d’amende (environ 457 euros). Dans son réquisitoire, le procureur Richard Christophe Adou avait réclamé « une peine exemplaire de 24 mois d’emprisonnement ferme », affirmant notamment que le tweet à la suite duquel l’ex-ministre et député avait été inculpé, le 15 janvier dernier, avait eu « des conséquences », et que « des affrontements ont eu lieu ».
La sentence, qui intervient au lendemain de l’annonce faite par le président Alassane Ouattara, à propos de la démission « en février » de Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale, a été prononcé au terme d’un procès qui s’est déroulé dans un climat tendu, notamment marqué par le départ des avocats de la défense, qui protestaient contre le rejet de leurs exceptions.
Un « procès politique », selon la défense
« C’est un procès politique tout simplement parce que notre client Alain Lobognon est un proche de Guillaume Soro et parce qu’il s’est prononcé très clairement contre la tentative d’un troisième mandat anticonstitutionnel du président de la République », a déclaré mardi Me Affoussiata Bamba-Lamine, après avoir quitté la salle d’audience en compagnie de plusieurs avocats qui s’étaient portés volontaires pour défendre l’accusé. Pour ce procès, l’ex-porte-parole adjointe du gouvernement et ancienne porte-parole de la rébellion des Forces nouvelles (FN) avait enfilé sa toge d’avocate.
>>> À LIRE – Côte d’Ivoire : la situation de Jacques Ehouo et d’Alain Lobognon va-t-elle tourner à la crise institutionnelle ?
Cet incident est intervenu après que des députés proches de Guillaume Soro – certains issus de l’ancienne rébellion ou du PDCI – ont marché, écharpe de parlementaire à l’épaule, vers le palais de justice où ils se sont vus refuser l’accès de la salle d’audience. « La démocratie est assassinée en Côte d’Ivoire », a dénoncé Gnangadjomon Koné, un député issu du Rassemblement des républicains (RDR, parti présidentiel).
Les avocats ont remis en cause la compétence du juge, en vain
Sur le fond du dossier, Alain Lobognon avait été placé en détention le 15 janvier, après avoir été inculpé pour « divulgation de fausses nouvelles et incitation à la violence » suite à un tweet qui annonçait l’arrestation du député Jacques Gabriel Ehouo (PDCI), maire élu de la commune du Plateau, poursuivi pour détournements de fonds, et dont l’installation à la tête de la mairie a été annulée par le gouvernement.
Les avocats réfutent les chefs d’accusation, le caractère « flagrant » du délit visé et, surtout, certains faits allégués par le procureur, en particulier les conséquences supposées de ce tweet. Ils ont également remis en cause, en vain, la compétence du juge à traiter le dossier. En l’occurrence, le juge des référés Amouroulaye Cissoko, qui présidait la cour de trois juges. Celui-là même qui, en septembre 2019, s’était vu confier le dossier sur l’affaire du logo du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI d’Henri Konan Bédié) sur lequel il s’était déclaré incompétent, à la surprise générale.
Pas de réaction de Soro
Guillaume Soro, qui avait présidé une réunion du bureau de l’Assemblée nationale ayant abouti à un vote exigeant l’arrêt des poursuites contre les deux députés, n’a pas pour l’heure pas réagi. Avant l’audience, il avait écrit dans ce sens au procureur, en vain.
Les avocats d’Alain Lobognon, qui a entamé une grève de la faim depuis le 21 janvier pour protester contre son incarcération – qu’il affirme être illégale -, pourraient interjeter appel. « Cette condamnation d’Alain Lobognon va exacerber des tensions déjà tendues entre les ex-rebelles et le camp Ouattara », souligne l’analyste politique Innocent Gnelbin.
Lundi, Amnesty International a dénoncé une tendance à la « répression des voix critiques », appelant à l’abandon des poursuites contre le député ainsi que deux autres activistes. « Les violations de la liberté d’expression risquent non seulement de fragiliser la paix sociale, mais aussi d’entraver le droit à l’accès et à la libre diffusion d’informations dans un contexte politique tendu à un an de l’élection présidentielle », s’est indigné Amnesty.
Du côté du ministère de la Justice, on se garde bien de commenter cette décision de justice. « La justice fait son travail, le gouvernement le sien », a déclaré une source proche du ministre Sansan Kambilé à Jeune Afrique , au centre de nombreuses critiques de la part de syndicats de magistrats et de l’ordre des avocats.
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