[Tribune] Algérie : nous méritons mieux que le café du commerce

Au sud comme au nord du Sahara, la proposition constructive n’est plus dans l’air du temps, supplantée par la critique tous azimuts. En Algérie, cette dernière est même devenue un sport national qui se pratique au café du commerce.

A Alger, des algériens se mobilisent durant la guerre d’Algérie en 1961. © Dominique BERRETTY/Gamma-Rapho via Getty Images)

A Alger, des algériens se mobilisent durant la guerre d’Algérie en 1961. © Dominique BERRETTY/Gamma-Rapho via Getty Images)

Anys Mezzaour
  • Anys Mezzaour

    Anys Mezzaour est un écrivain algérien, auteur d’« Entendu dans le silence » (Casbah Editions).

Publié le 6 février 2019 Lecture : 3 minutes.

Des manifestants contre la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat, vendredi 1er mars à Alger. © Anis Belghoul/AP/SIPA
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Démission de Bouteflika : les six semaines qui ont ébranlé l’Algérie

Confronté à une mobilisation populaire d’une ampleur sans précédent, Abdelaziz Bouteflika a annoncé mardi 2 avril sa démission de la présidence de la République. Retour sur ces six semaines qui ont ébranlé l’Algérie et mis un terme à un régime en place depuis vingt ans.

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Généralisations mensongères, jugements à l’emporte-pièce, rien ni personne ne semble pouvoir arrêter cette rengaine du « tous pourris ». Pis ! C’est le pays lui-même qui est de plus en plus placé sur le banc des accusés. Comme si cette terre, cet air, ce soleil, ce sable, ces montagnes, ces lieux, cette histoire, ces aurores et ces crépuscules avaient perdu charme et valeur. Le reflux de la quête identitaire est devenu refoulement et honte de tout ce qui est algérien. Le sentiment national ne serait plus. C’est ce qu’on voudrait faire croire aux jeunes, à ceux qui ont et qui sont l’avenir.

La fuite comme alternative

Prenons donc de la hauteur et méfions-nous de ces « cosmopolites qui […] aiment les Tartares pour être dispensés d’aimer leurs voisins ». Méfions-nous de ces marchands de sommeil qui promettent des lendemains qui chantent… ailleurs, toujours ailleurs. Les alternatives proposées, légales ou non, relèvent toujours de la fuite : zatla, harga, visa.

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L’Algérie a besoin de visionnaires. Elle en dispose. Elle a besoin d’ambitieux, non pour eux-mêmes, mais pour elle. Ils sont là. Elle a besoin qu’on la raconte, dans toute sa beauté, sa diversité et sa réalité. Les conteurs ne manquent pas. Qui, en revanche, croit et veut faire croire aux chimères, par mauvaise foi ou par lassitude – cela s’entend, s’explique, sans se justifier – verra de la laideur dans son propre reflet.

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Oui, l’Algérie est belle, car plurielle. Oui, on peut y danser, y rire, s’y amuser. Le plus beau visage qu’elle présente est celui d’une jeunesse qui vit pleinement, monte des projets, les réalise et porte haut les couleurs de son pays. Il faut voyager en son sein pour se rendre compte de sa richesse. Découvrir les ­paysages du Sahara que tant nous envient, la côte bercée d’azur ou les ruines millénaires. Celui qui ne voyage pas est celui qui reste enfermé dans ses certitudes.

Il n’y a pas une Algérie mais des Algérie, unies par leurs valeurs communes. Ce qui est possible ailleurs ne l’est pas toujours ici. C’est un fait. Mais le champ des possibles reste vaste. À condition d’en respecter les règles, comme dans tout pays. Cela s’appelle être citoyen. Vouloir importer ce qu’il y a de pire ailleurs, ce n’est pas être moderne, c’est être à l’avant-garde de l’archaïsme.

Certains hurleront encore au trop-plein d’optimisme, à la déconnexion

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Car les assassins d’aube, « ceux qui veulent empêcher que le soleil éclaire le destin des citoyens », sont encore là. Le camp, le discours, la méthode ont changé, mais l’objectif est le même : salir le pays, le faire mépriser des étrangers, voire de son propre peuple. Celui qui se lève tous les matins, travaille, vit, aime, pleure et se couche tous les soirs, avec ses craintes et ses espoirs. Ce peuple qui n’a pas besoin de porte-parole pour crier sa joie et ses larmes.

Chanter l’Algérie avec passion et l’écrire avec réalisme

Au terme de ce constat, certains hurleront encore au trop-plein d’optimisme, à la déconnexion. Trop facile, dira-t-on, de brosser un tableau doré, en cachant la poussière sous le tapis, quand on est d’Alger, que l’on a fait ses études à l’étranger, quand on appartient, en somme, à une élite intellectuelle. À ceux qui crieront « hors sol ! », il faut répondre que la passion n’empêche pas la lucidité : elle l’éclaire pour faire émerger l’espoir, le plus puissant moteur de la vie.

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L’Algérie n’est pas parfaite, elle a ses défauts. Le diagnostic a été fait de trop nombreuses fois pour le nier. Il n’en demeure pas moins qu’avec ses caractéristiques traditionnelles, culturelles et religieuses le pays mérite mieux que le café du commerce. Beaucoup mieux. Il faut en être amoureux pour le comprendre. Il faut chanter l’Algérie avec passion et l’écrire avec réalisme. Elle a trop donné pour être ainsi lynchée et abandonnée.

À la harga, préférons retrousser nos manches et œuvrer à la correction de ces imperfections. Beaucoup de choses restent à faire. C’est un défi sans commune mesure, une chance inouïe à la croisée des chemins et des temporalités. C’est maintenant que tout doit être fait, c’est maintenant que tout commence.

La solution ? La jeunesse, sa liberté, son ambition. Les travailleurs, leurs compétences, leur amour du métier. Les femmes, leur combat, leur honneur. Les Algériens, leur résilience, leur sens de l’Histoire.

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