Vu de Tunis : une « vraie nakba »

Publié le 25 août 2008 Lecture : 2 minutes.

S’il est un pays où Mahmoud Darwich comptait de vrais amis et de nombreux lecteurs, c’est la Tunisie. Chacun de ses récitals déplaçait une foule immense, qui venait remplir les gradins de l’amphithéâtre de Carthage ou le théâtre municipal de Tunis. On avait alors la certitude que s’il est une terre où la poésie a encore droit de cité, c’est bien la terre arabe, que s’il est un langage qui, autant que la musique, provoque le fameux tarab, c’est celui de la rime poétique.
De fait, un lien très fort unissait le poète palestinien à la Tunisie. Il y avait trouvé refuge dans les années 1980, lorsque l’OLP, obligée de quitter Beyrouth, avait installé son siège dans la capitale tunisienne. Mahmoud séjournait alors dans une villa de Carthage où il recevait ses amis, ses admirateurs, ses frères de lutte, aimant passer quelque temps à l’hôtel Sidi Dhrif, à Sidi Bou Saïd, ou faire une virée du côté de La Goulette pour un déjeuner avec des proches.
À la Tunisie, il offrira des poèmes ; à ses intellectuels, de l’amitié ; à ses femmes, des illusions amoureuses. Il lui saura gré, surtout, d’avoir permis aux Palestiniens « d’entrer dignement et de sortir sans effusion de sang », comme il le confiait à la journaliste Racha Tounsi.
Ce que Darwich appréciait en outre chez les Tunisiens, c’est qu’ils aient su aimer en lui le poète tout autant que le symbole de la lutte palestinienne. Convié à Gafsa, en juin 1995, il confie à l’issue de la rencontre poétique : « Je me sentais comme Al-Mutanabbi ou Al-Buhturi. Un grand poète, tout simplement ! »
Depuis, il n’a jamais su dire non à l’invitation des Tunisiens. Et il est toujours reparti avec des distinctions. À sa mort, le premier télégramme de condoléances d’un chef d’État à l’Autorité palestinienne a été celui du président tunisien. Un vrai deuil se lisait dans la voix des intellectuels de ce pays, à travers les SMS d’anciens amis du poète, et jusqu’à ce chauffeur de taxi qui glissait une cassette du Coran en soupirant : « La mort de Darwich, c’est une vraie nakba ! »

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