Qui après Musharraf ?

Unis jusqu’ici par une haine commune contre le président démissionnaire, les membres de la coalition au pouvoir s’opposent déjà sur la désignation d’un nouveau chef de l’État.

Publié le 25 août 2008 Lecture : 3 minutes.

Parce qu’août est synonyme de liberté et de renouveau au Pakistan, qui a accédé à l’indépendance un 14 août, il y a soixante et un ans, ce mois n’a jamais été très favorable aux généraux, qui ont dirigé le pays pendant plus de la moitié de son histoire moderne. C’est en effet dans la matinée du 18 août dernier que le dictateur Pervez Musharraf, qui a gouverné le « pays des Purs » d’une main de fer pendant huit ans, a annoncé sa démission. La malédiction d’août avait déjà frappé en 1988 lorsque, le 17, un avion gouvernemental transportant le général-président de l’époque, Zia ul-Haq, avait mystérieusement explosé dans le ciel pakistanais, tuant l’auguste passager et tout son entourage.
Poussé vers la sortie par le gouvernement civil, qui menaçait de lancer contre lui une procédure de destitution, Musharraf a préféré prendre les devants en négociant sa démission contre la garantie de l’immunité et un sauf-conduit vers une destination étrangère. Celle-ci pourrait être les États-Unis, pays dont il a été l’allié privilégié dans sa guerre contre le terrorisme depuis les attentats du 11 septembre 2001.
Arrivé au pouvoir en 1999 à la faveur d’un coup d’État qui avait mis fin sans effusion de sang à un gouvernement civil corrompu, le général a vu son crédit largement entamé en 2007 lorsqu’il a détourné la Constitution et limogé une soixantaine de juges, dont le président de la Cour suprême, qui contestaient sa réélection. La rue pakistanaise l’accusait par ailleurs d’avoir trahi les musulmans en participant à la guerre américaine contre l’extrémisme terroriste en Afghanistan. Sa popularité avait touché le fond au cours des ­derniers mois : selon un récent sondage, 83 % des Pakistanais souhaitaient son départ.
La question maintenant est de savoir si la coalition civile au pouvoir, conduite par le Parti du peuple pakistanais (PPP) de feue Benazir Bhutto et ?la Ligue musulmane pakistanaise (PML-N) de l’ex-Premier ministre Nawaz Sharif, pourra fonctionner en bonne entente et concrétiser les aspirations des Pakistanais à la démocratie et à la stabilité politique. Rien n’est moins sûr, car l’époux de Bhutto, Asif Ali Zardari, qui a pris les rênes du PPP, et Nawaz Sharif ne sont guère sur la même longueur d’onde. Leur alliance de circonstance basée sur la haine commune de ­Musharraf a failli voler en éclats à plusieurs reprises.
Les deux hommes se sont certes réunis dans la foulée de l’annonce de la démission du dictateur pour arrêter un plan d’action, mais ont dû se séparer aussitôt sur un constat d’échec. Leurs divergences portent notamment sur la réhabilitation des anciens magistrats limogés par Musharraf, la politique atlantiste du PPP et, last but not least, la question épineuse de la désignation d’un nouveau président.
Conformément à la Constitution, l’intérim du chef de l’État est assuré par le président du Sénat, Mohammedmian Somroo, en attendant le scrutin présidentiel, qui devrait se tenir dans les trente jours.
En tant que chef du principal parti politique du pays, Asif Ali Zardari est un candidat potentiel pour le poste, mais Sharif s’oppose à ses ambitions. Son parti réclame que l’article de la Loi fondamentale qui donne au président le droit de dissoudre le Parlement soit d’abord abrogé par les députés.
Ces querelles au sein de la coalition démocratique risquent d’aggraver l’instabilité créée par la vague d’attentats islamistes qui frappe le pays depuis un an, incitant l’armée, qui s’est tenue en retrait tout au long du psychodrame Musharraf, à revenir dans le jeu.

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