Philippe Conrath

Ancien journaliste, il a contribué à la reconnaissance des artistes africains en France avec son label Cobalt, fondé en 1979, et le festival Africolor, qui fête cette année sa vingtième édition*.

Publié le 25 août 2008 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : En quoi la dématérialisation de la musique vous pénalise-t-elle ?

Philippe Conrath : Elle ne nous permet plus de vivre. La crise du disque dépasse largement le simple créneau de la world ou des musiques africaines. Elle est générale. Il n’est plus possible de produire un artiste à cause de plusieurs facteurs : téléchargement illégal, chute des ventes, faibles moyens de distribution, coûts de productionÂÂÂ De fait, un disque ne peut plus n’être que le point de départ d’une tournée. De cette profonde mutation, il sortira sûrement quelque chose de positif. Mais cela risque d’être long et n’évoluera que lorsque les gros serveurs se transformeront, à leur tour, en producteurs, à l’exemple de Canal+ Orange. En attendant, la survie de notre industrie est dans la balance.

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Quelles sont les conséquences de cette situation sur la création ?

Cela fait deux ans que je n’ai pas signé de nouvel artiste. Nous n’en avons plus les moyens, même si j’ai un projet avec Sayon Bamba, une talentueuse chanteuse guinéenne qui vit à Marseille. Avant, lorsque je rencontrais un groupe qui me plaisait en Afrique, je le produisais. Je ne gagnais pas d’argent, mais j’étais à l’équilibre. Aujourd’hui, je fais plus qu’attention. Un inconnu ne vend pas plus de 350 albums et, en tant que label indépendant, nous ne touchons pas la grande distribution – qui n’affiche qu’une cinquantaine de références. Quant aux enseignes spécialisées comme la Fnac, elles réduisent la voilure. Que voulez-vous faire avec cela ? Heureusement, je suis distribué par Harmonia Mundi. Je sais que si je veux sortir un album, il sera distribué. Mais plus personne n’ose produire de nouveaux artistes.

Quelles sont, selon vous, les évolutions sur le créneau des musiques africaines ?

Même si de nouveaux artistes percent, comme Ayo ou Asa (voir p. 26), nous assistons à un changement de la consommation, dans tous les sens du terme. Comme pour les autres musiques, la curiosité est terminée. Il y a vingt ans, la musique était une culture ; aujourd’hui, elle est gratuite partout. Nous vivons une crise de la relation à la musique, qui ne s’écoute plus de la même manière. Aujourd’hui, on n’écoute plus des albums, on télécharge des morceaux sur un iPod.

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