Nabil Chettaoui : « Notre croissance sera de 7 % en 2008 »

Le PDG de Tunisair a de bonnes raisons de se réjouir. Alors qu’elle célèbre ses 60 ans, la compagnie publique s’apprête à franchir le cap du milliard de dinars de chiffre d’affaires. Mais le prix du pétrole menace sa rentabilité.

Publié le 25 août 2008 Lecture : 5 minutes.

JEUNE AFRIQUE : Comment se présente l’année 2008 pour Tunisair ?

NABIL CHETTAOUI : Nous nous attendons à une croissance de 6 % à 7 % du trafic passager sur l’année, alors que la progression du nombre de passagers dans les aéroports tunisiens est de 5 %. Cette augmentation s’accompagne d’une amélioration sensible de notre coefficient de remplissage. Elle est de 2,7 points actuellement et sera très probablement de 3 points pour l’ensemble de l’année, signe d’un renforcement de notre productivité.

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Quelle est la tendance pour 2009 ?

La croissance de notre activité devrait être de l’ordre de 7 %, et nous envisageons de transporter, pour la première fois dans l’histoire de Tunisair, plus de 4 millions de passagers. Cette évolution se fera à moyens constants, en améliorant notre productivité et avec une nouvelle augmentation de 3 points de notre coefficient de remplissage.

Pourtant, depuis bientôt un an, une compagnie low-cost, Transavia, opère sur la Tunisie. Cela n’a-t-il pas eu d’impact sur Tunisair ?

Transavia a été très agressive sur le plan tarifaire. Nous l’avons anticipé en offrant des prix aussi compétitifs sur nos vols réguliers avec un service de meilleure qualité. Par ailleurs, nous ne sommes pas concurrents à part entière puisque Transavia, à l’image des autres low-cost, vise essentiellement une clientèle individuelle de loisirs intéressée par des séjours hors des packages classiques.

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Le nombre de vos passagers était en baisse de 4,7 % en 2007 par rapport à 2006. Comment l’expliquez-vous ?

Les résultats de 2007 étaient conformes à nos objectifs et correspondent à un tournant salutaire avec la décision, prise en mai 2006, de gérer la compagnie comme une entreprise commerciale. En 2007, nous avons restructuré notre réseau avec la fermeture de plusieurs lignes déficitaires et non stratégiques, notamment en Scandinavie et dans les pays d’Europe centrale (Pologne, Hongrie, République tchèque). Ce redéploiement a affecté l’activité charter, qui a baissé de 13,2 % en 2007, mais il a entraîné un développement de l’activité régulière de 3,1 % sur des lignes rentables.

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Mettrez-vous fin à l’activité charter ?

En 2007, notre objectif était d’assurer la pérennité de l’entreprise à travers, notamment, la maîtrise de l’activité charter sur les marchés rentables et stratégiques. Cet objectif ayant été atteint dès la première année, nous avons réinvesti en 2008, et nous prévoyons une progression de notre trafic charter de 3 % sur l’année. Nous maintenons donc notre politique de développement sur le créneau purement touristique mais à un rythme maîtrisé.

Cela suffira-t-il pour faire face au rapprochement entre les deux compagnies privées tunisiennes, Nouvelair et Karthago Airlines ?

Ce rapprochement est dans l’air du temps. Pour Tunisair, ce pôle privé représente une concurrence importante mais constructive car nos réseaux de commercialisation sont souvent complémentaires. C’est surtout un événement positif pour le pays, car la nouvelle compagnie aura une taille critique pour concurrencer les compagnies charter étrangères.

Donc, tout se présente pour le mieux à l’occasion des 60 ans de Tunisair ?

Nous sommes très satisfaits. Notre restructuration sur le plan commercial a donné des résultats tangibles dès la première année. Le résultat net a été de 32,5 millions de dinars (DT) en 2007 [18,3 millions d’euros, NDLR], contre 28,2 millions de DT l’année précédente, soit une progression de 15,2 %. Notre chiffre d’affaires devrait atteindre 1 milliard de DT cette année [961 millions en 2007, NDLR].

Sauf qu’il y a la flambée du prix du baril de pétroleÂÂÂ

En effet, l’année en cours sera marquée par la flambée du prix du kérosène. La croissance de notre activité et de notre chiffre d’affaires ne permettront pas d’absorber la totalité de la hausse, qui sera responsable d’un quasi-doublement de notre budget carburant, à 400 millions de DT, contre 217 millions de DT en 2007.

Alors que de nombreuses compagnies sont en difficulté, Tunisair s’en sort donc plutôt bien ?

Pour améliorer sa productivité et consolider sa compétitivité, Tunisair a entrepris de se restructurer depuis déjà sept ou huit ans. Cela a consisté à filialiser la majorité des activités qui ne sont pas notre cÂÂÂur de métier : le catering, l’assistance au sol et la maintenance des avions. La dernière filialisation en date est celle de l’activité informatique et de télécommunications, puisque nous venons de créer, en août, un joint-venture avec Sita, l’un des leaders mondiaux dans le domaine des télécommunications aéronautiques, et l’entreprise tunisienne Medsoft.

Entre 2008 et 2018, Tunisair remplacera ses avions de plus de vingt ans par des Airbus. Pourquoi renoncez-vous à votre panachage habituel d’Airbus et de Boeing ?

Notre flotte de 30 appareils est trop hétérogène. La commande que nous venons de signer avec Airbus et qui porte sur 19 avions [16 en commande ferme et 3 en option, NDLR] vise à créer une flotte homogène par module d’avions (150 et 250 sièges). Les avantages sont multiples : offre classe affaires vers n’importe quelle destination, plus grande souplesse dans l’utilisation des équipages, économies dans leur formation et dans l’achat des pièces de rechangeÂÂÂ Une flotte rajeunie nous permettra aussi une économie de carburant de 2 % à 3 % pour les moyen-porteurs et qui pourra aller jusqu’à plus de 15 % pour les gros-porteurs.

Comment financer ces avions dont le prix catalogue est estimé à 2 milliards de dollars ?

Nous venons de lancer un appel d’offres auprès des banques de la place de Tunis afin qu’elles nous proposent un schéma de financement. Il y aura certainement un pool de banques tunisiennes et étrangères. Le montant de l’autofinancement dépendra des offres.

Où en êtes-vous en ce qui concerne l’« open sky » avec l’Europe ?

La Tunisie ne peut pas rester en dehors de la tendance générale d’ouverture à la concurrence internationale. Le ministère des Transports a déjà signé des accords dans ce sens avec des pays comme la Libye, le Maroc et le Qatar. D’autres accords devraient suivre. Par ailleurs, les compagnies privées tunisiennes ont désormais les mêmes droits que Tunisair pour desservir toutes les destinations en charter et en vol régulier.

En matière d’ouverture du ciel avec l’Europe, les compagnies maghrébines n’auraient-elles pas intérêt à s’unir ?

Les pays européens sont nos principaux marchés. À l’inverse, nous ne représentons qu’une part infime de leur trafic aérien. Nous devrions unir nos forces si nous voulons corriger ce déséquilibre. C’est d’ailleurs ce qui explique que, bien qu’elle ait été la première à signer un accord de libre-échange avec l’Union européenne, la Tunisie a montré moins d’empressement à signer un accord d’open sky car, justement, nous craignions qu’il ne soit déséquilibré.

Pourquoi ce constat ne conduit-il pas à des alliances stratégiques avec Royal Air Maroc ou Air Algérie ?

Nos soucis et nos objectifs ne convergent pas toujours. Nos amis d’Air Algérie ont un trafic essentiellement au départ de l’Algérie, et ils ont le souci de la satisfaction du marché intérieur. Pour nous, nos préoccupations se situent surtout au niveau des marchés européens, touristiques et d’affaires en particulier. La stratégie de la RAM, quant à elle, comporte un volet de développement en Afrique sans pour autant négliger le marché européen. Des coopérations restent possibles, comme l’achat groupé de carburant. Nous pourrions également négocier ensemble les contrats d’assistance lors des escales européennesÂÂÂ

Avez-vous une stratégie pour l’Afrique sub­saharienne ?

Nous desservons déjà Dakar, Nouakchott, Bamako et Abidjan. Nous continuerons à prospecter l’Afrique avec l’ouverture probable de lignes à destination de Ouagadougou, Cotonou et Khartoum à l’horizon de l’été 2010.

Mais au plan capitalistique, Tunisair n’est entrée que dans Mauritania AirwaysÂÂÂ

Tunisair est toujours intéressée par l’éventuelle création d’une compagnie avec des partenaires africains. Nous étudierons toutes les propositions en ce sens.

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