Mwanawasa, un chef atypique

Le président de la République de Zambie est mort le 19 août. Retour sur l’itinéraire d’un dirigeant pas comme les autres.

Publié le 25 août 2008 Lecture : 3 minutes.

Admis en urgence le 29 juin dernier à l’hôpital militaire Percy à Clamart (en banlieue parisienne), à la suite d’une attaque cérébrale survenue alors qu’il se trouvait en Égypte pour le sommet de l’Union africaine, Levy Patrick Mwanawasa est mort le 19 août. Après avoir survécu à un accident de la circulation en décembre 1991, il s’était également relevé d’un premier accident vasculaire cérébral en 2006. Mais si les hommages rendus à cet homme pourtant jugé « terne » et dénué de charisme sont aussi unanimes, c’est moins pour sa capacité à défier la mort que pour son refus de se conformer aux codes que partagent les milieux politiques africains.
Brillant avocat avant d’entrer en politique, Mwanawasa a fait preuve d’assez d’habileté pour se hisser, à 43 ans, à la vice-présidence du pays dès 1991. Premier coup d’éclat, il démissionne trois ans plus tard, dénonçant la corruption du gouvernement, sous la présidence de l’ancien leader syndical marxiste Frederick Chiluba. Son départ ne surprend pas ceux qui connaissent son goût du risque. Car ce n’est pas la première fois qu’il s’oppose au pouvoir. En 1989, déjà, ses proches ont tremblé pour lui lorsqu’il a osé, en tant qu’avocat, prendre la défense du lieutenant-général Christon Tembo, jugé pour haute trahison par le régime autoritaire du « père de l’indépendance », Kenneth Kaunda.
Sa rupture avec Chiluba lui vaut une réputation d’homme intègre. C’est donc tout naturellement que leur parti commun, le Mouvement pour la démocratie multipartite (MMD), l’investit comme candidat à la succession du chef de l’État au terme de son deuxième et dernier mandat. Parvenu à la tête de la Zambie en janvier 2002 à l’issue d’un scrutin controversé, Mwanawasa voit alors sa popularité s’émousser. Son image est écornée par les affaires de fraudes électorales. Mais, au fil des premiers mois passés au sommet de l’État, sa détermination à appliquer son programme de campagne lui vaut le respect de ses concitoyens. Brocardé par ses adversaires comme étant la « marionnette » de Chiluba, le nouveau président surprend son monde. Ardent promoteur de la lutte contre la corruption, il s’attaque même à son prédécesseur, poursuivi et jugé pour avoir détourné 30 millions de dollars.

Dans un élan de sincérité

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Au quotidien, il consacre ses efforts au redressement des finances publiques. ?À son arrivée au pouvoir, en 2002, Mwanawasa trouve une économie sinistrée par des années de récession. Depuis 1973, les cours du cuivre, la principale ressource d’exportation du pays, sont au plus bas. Promis à la prospérité au lendemain de l’indépendance, la majorité des 11 millions de Zambiens vivent avec moins de 1 dollar par jour. Ainsi, tout au long des cinq ans de son premier mandat, Mwanawasa poursuit les réformes entamées sous Chiluba avec le soutien du FMI. En 2006, les indicateurs macroéconomiques sont repassés dans le vert. Le taux de croissance annuel du pays est de 5 % tandis que les réserves de change se montent à plus de 1 milliard de dollars. Mais la pauvreté n’a pas reculé. Sur le plan social, son bilan est donc mitigé. Dans un élan de sincérité désarmant, le chef de l’État présente ses excuses à la population, reconnaissant qu’il n’a pas réussi à atteindre les objectifs qu’il s’était fixés. Là où d’autres, à sa place, pointent les promesses d’aide non tenues par les pays richesÂÂÂ
Ce natif de la Copperbelt, la province riche en cuivre voisine du Katanga congolais, ne se montre pas moins iconoclaste sur la scène régionale. Se démarquant de ses homologues, Mwanawasa critique Robert Mugabe, qu’il rend responsable de la crise au Zimbabwe voisin : « Un Titanic en train de couler. » S’il n’avait quitté précipitamment le sommet de Charm el-Cheikh, le soutien de l’Union africaine à Robert Mugabe aurait-il été aussi fort ? Pas sûr.

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