Polémique sur les avantages à vie en RDC : les explications du gouvernement ne convainquent pas

Le décret octroyant des avantages à vie aux anciens membres du gouvernement, signé de la main du Premier ministre sortant Bruno Tshibala, a provoqué la polémique. Mais plutôt que l’annulation réclamée par les contempteurs de la mesure, le gouvernement s’est justifié. Sans convaincre ses détracteurs.

Bruno Tshibala, Premier ministre de la République démocratique du Congo, dans les locaux de Jeune Afrique, le 15 septembre 2017 © Vincent Fournier pour Jeune Afrique

Bruno Tshibala, Premier ministre de la République démocratique du Congo, dans les locaux de Jeune Afrique, le 15 septembre 2017 © Vincent Fournier pour Jeune Afrique

Publié le 4 février 2019 Lecture : 4 minutes.

Des explications plutôt que l’annulation réclamée. La primature a réagi ce lundi au tollé provoqué par le décret signé par Bruno Tshibala, dernier Premier ministre de la présidence de Joseph Kabila, et Pierre Kangudia, ministre d’État (sortant) au budget, octroyant des avantages à vie aux anciens membres du gouvernement.

Selon nos sources, le cabinet du président Félix Tshisekedi a par ailleurs interpellé le gouvernement sortant sur la question. La présidence a « invité » le gouvernement à venir s’expliquer, précise l’une de nos sources dans les premiers cercles de la présidence, qui souligne « qu’une décision sera prise après cette audition ».

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Devant la presse, c’est Tshibangu Kalala, le ministre délégué près du Premier ministre, qui a fait l’explication de texte, évoquant la reconnaissance de l’État à ceux qui l’ont servi à des postes élevés. Il n’y a « aucune raison pour refuser une pension modeste aux anciens membres du gouvernement alors qu’elle est octroyée à d’autres », a-t-il affirmé, faisant allusion à la loi dite Mutinga du 26 juillet 2018, qui prévoit des avantages aux anciens présidents de la République et aux anciens chefs de corps constitués.

À ceux qui dénonçaient le niveau des avantages, octroyés à vie, Tshibangu Kalala répond que le décret a été pris pour garantir le « minimum vital » aux bénéficiaires. « Ce n’est pas pour enrichir ces gens, c’est pour éviter qu’ils tombent dans l’indigence et la précarité. Rien d’autre que la concrétisation de l’instauration d’une République juste, sociale, fraternelle et généreuse dans notre pays », a-t-il assuré.

Jusqu’à 5 000 dollars d’indemnité et des billets en business class

La palette des personnes concernées par ce décret est large, allant des anciens vice-Premiers ministres aux secrétaires généraux adjoint du gouvernement, en passant par les ministres délégués ou encore les vice-ministres. Pour rappel, outre une indemnité mensuelle estimée à 30% des émoluments perçus lorsqu’ils étaient en fonction, ces personnes se voient allouer une « indemnité mensuelle de logement » de 1 000 dollars, un titre de voyage par an sur le réseau international – en business class –, un passeport diplomatique ainsi que des garanties pour des soins médicaux en RDC comme à l’étranger.

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Pour les anciens Premiers ministres, l’« indemnité mensuelle de logement » est fixée à 5 000 dollars, et s’adjoint aux avantages précédant la mise à disposition d’un véhicule – prêt renouvelable tous les cinq ans, un titre de voyage par an – toujours en business class – sur le réseau international pour lui-même ainsi que son conjoint et ses enfants mineurs, un passeport pour chaque membre de sa famille, des soins médicaux au pays et à l’étranger, des funérailles officielles et une garde sécuritaire de deux à trois policiers.

Le premier principe est celui du minimum vital, les avantages octroyés n’ont pas pour but d’enrichir

Pour éviter « des abus et des excès », le ministre a mis en avant deux autres principes – outre celui du « minimum vital » – sur lesquels serait fondée cette mesure : le non cumul des avantages matériels, et « la non rétroactivité des avantages matériels ». En clair, seuls les « anciens membres du gouvernement actuel, et futurs, seront concernés par ce décret ».

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Les bénéficiaires sont par ailleurs tenus de « respecter certains devoirs à l’égard de l’État sous peine de perdre leurs avantages », a insisté Tshibangu Kalala, sans préciser quels étaient les contours de ces devoirs.

La fronde anti-décret toujours aussi virulente

Alors que beaucoup militent pour l’assouplissement du train de vie des institutions, ce décret pourraient coûter à l’État près de 28 millions de dollars par an, selon les calculs de Valéry Madianga, expert en finances publiques. Le gouvernement sortant, pour sa part, évoque une dépense « dérisoire », qui « ne sera pas un fardeau pour le budget de l’État », mais là encore, sans en donner son propre chiffre.

Encore une fois, le gouvernement s’est fourvoyé. Et la réplique ressemble à un aveu de tricherie

L’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), qui avait déjà appelé à l’annulation de ce décret, considérant qu’ils « violent la Constitution », demande au gouvernement de revenir à la légalité.

« L’ACAJ réitère sa demande d’annulation de ce décret, car non seulement ils violent la Constitution, mais surtout qu’ils sont pris dans des conditions suspectes », a réagi Georges Kapiamba, coordonnateur de l’ACAJ, joint par Jeune Afrique après la conférence de presse donnée par le gouvernement.

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L’opposant Adam Bombole, qui était également vent debout contre ce décret, n’en démord pas. « Encore une fois, le gouvernement s’est fourvoyé. Et la réplique ressemble à un aveu de tricherie », a-t-il déclaré à JA. « La loi dite Mutinga, votée par le Parlement, réglemente et indique expressément les bénéficiaires des avantages. La loi est et sera toujours au-dessus d’un décret », martèle l’opposant.

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