RDC : pour Delly Sesanga, le nouveau pouvoir envoie « des signes prometteurs »

Le secrétaire général d’Ensemble pour le changement, coalition de l’opposant Moïse Katumbi, Delly Sesanga répond aux attaques de l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito dans une interview à Jeune Afrique. Pour Delly Sesanga, le pouvoir du nouveau président Félix Tshisekedi a envoyé des « signes prometteurs ».

Le député Delly Sesanga © Vincent Fournier/JA

Le député Delly Sesanga © Vincent Fournier/JA

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 4 février 2019 Lecture : 5 minutes.

Attaqué par l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito dans une interview à Jeune Afrique, Delly Sesanga répond. Là où son détracteur s’exprimait sous le coup de l’indignation après la défaite de son champion selon les résultats officiels, le secrétaire général d’Ensemble pour le changement (coalition de Moïse Katumbi) joue la carte de l’apaisement.

Sa position sur la nouvelle scène politique congolaise est, il est vrai, bien plus confortable. Soutien déclaré de Félix Tshisekedi pendant la campagne, Delly Sesanga est dans une position centrale pour tenter d’organiser des discussions entre le nouveau président et l’opposant Moïse Katumbi.

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Jeune Afrique : Adolphe Muzito vous accuse d’avoir reconnu la victoire de Félix Tshisekedi pour « aller à la mangeoire ». Quelle est votre réaction ?

Delly Sesanga : Je suis surpris par cette sortie. Quand on a été Premier ministre, il y a des propos qu’on devrait s’interdire de tenir. Au demeurant, Adolphe Muzito n’a pas de leçon à nous donner sur la question de la loyauté. Il a été partenaire de Joseph Kabila jusqu’au mois de novembre 2018. La coalition de l’opposition, qui est devenue Lamuka, a d’ailleurs longtemps hésité à l’admettre parce qu’il ne voulait pas clarifier sa position. Il ne l’a fait que lorsque son dossier de candidature a été rejeté.

Notre candidat était Félix Tshisekedi. Nous nous en sommes tenus à ce choix. C’est donc une conviction et non une position opportuniste

Notre point de vue était clair depuis le départ. Nous l’avons exprimé avec André-Claudel Lubaya lors des négociations de Genève, à Moïse Katumbi et à tous les autres : notre candidat était Félix Tshisekedi. Nous nous en sommes tenus à ce choix. C’est donc une conviction et non une position opportuniste.

Vous avez donc reconnu la victoire de Félix Tshisekedi. Cette décision était-elle concertée avec votre allié Moïse Katumbi ?

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Il faut que Moïse Katumbi lui-même clarifie sa position. Je ne suis pas son porte-parole. Mais ce je peux dire, c’est qu’il n’est pas l’ennemi de Félix Tshisekedi.

Je note d’ailleurs que même si Martin Fayulu avait été proclamé élu, on aurait le même rapport de force dans les assemblées nationale et provinciales. Il peut y avoir des frustrations à l’échelle individuelle. Mais à l’échelle de l’histoire de ce pays, il y a eu un mouvement sur lequel il faut s’appuyer pour la suite.

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La situation actuelle ressemble à une transition sans Kabila. Certes nous n’avons pas avancé fondamentalement du point de vue de la transparence du processus électoral. Mais avoir un président qui cède sa place à un autre est une avancée indéniable dans l’histoire de ce pays. La démocratie réelle reste à construire. Mais la meilleure façon de le faire est dans le rassemblement des forces de la nation. Entre le nouveau président et les forces d’Ensemble, avec 68 députés nationaux, la proximité et l’histoire commune récentes devraient favoriser les possibilités d’œuvrer en commun.

Moïse Katumbi respecte notre position comme nous avons respecté la sienne

Vous avez divergé avec Moïse Katumbi pendant la campagne : vous ne souteniez pas le même candidat. Où en sont vos relations avec lui ?

Je conçois une famille politique comme un lieu de débat démocratique. Nous échangeons en toute camaraderie sur les enjeux du pays. Il respecte notre position comme nous avons respecté la sienne. Notre programme et notre projet politique demeurent.

Considérez-vous faire toujours partie de la même formation ?

Il faut lever une confusion : Lamuka est une structure mise en place pour accompagner la campagne présidentielle d’un candidat commun. Je n’en ai jamais été membre. En revanche, nous sommes membres d’Ensemble, à l’intérieur duquel il y a différents regroupements : Alternance pour la République (AR), le G7, etc. Cela n’a pas changé.

Muzito affirme que vous avez soutenu la campagne de Tshisekedi car c’était le seul moyen pour vous d’être élu député dans une région qui lui est très favorable. Est-ce vrai ?

J’ai été réélu député pour la troisième fois. À Kananga, puis dans le territoire de Luiza, j’ai une véritable base électorale qui m’a à chaque fois permis d’être élu haut la main. Je ne l’ai jamais été avec l’appui de l’UDPS [Union pour la démocratie et le progrès social]. Et j’ai soutenu la candidature de Moïse Katumbi dans cette même province. Par ailleurs, notre parti a fait élire d’autres députés ailleurs que dans le Kasaï. Donc c’est complètement faux.

Que pensez-vous des premiers actes de la présidence Tshisekedi : ses convocations, suspensions et nominations ?

Il est trop tôt pour poser un jugement définitif. Il faut laisser à ce pouvoir le temps de s’installer. Mais il faut voir aussi les politiques publiques et la manière d’utiliser les instruments d’État. Le 3 février, par exemple, le meeting de l’opposition s’est passé sans incident et, chose rare depuis plusieurs années, on a vu ces images reprises au journal télévisé de la radio-télévision nationale. Ce sont à mon avis des signes prometteurs.

J’ai soutenu la candidature de Félix Tshisekedi. Je ne me suis pas battu pour un positionnement personnel. Dans le cadre d’un rassemblement, cela ne devrait pas poser problème

Si Félix Tshisekedi vous le demandait, accepteriez-vous d’exercer des responsabilités dans la nouvelle équipe à la tête du pays ?

J’ai soutenu la candidature de Félix Tshisekedi. Je ne me suis pas battu pour un positionnement personnel. Dans le cadre d’un rassemblement, cela ne devrait pas poser problème. Mais la question est de savoir quel serait l’objectif de ce rassemblement. Il y a de nombreux défis : la sécurité, la réconciliation nationale, le développement du pays et le recul de la pauvreté. Se défiler devant pareilles responsabilités serait une faute.

Avez-vous des discussions avec le camp du président ?

Nous en avons eu avant la campagne. Mais pour l’instant, à ma connaissance, les discussions n’ont pas vraiment démarré. À mon avis, elles démarreront à la faveur des tractations pour la mise en place des différentes équipes qui animeront le gouvernement et les structures de l’État.

Votre parti, Envol, pourrait-il intégrer la nouvelle majorité parlementaire ?

C’est un processus complexe. Elle résulte d’une mission d’information confiée à une personnalité qui identifie cette majorité. Ce processus n’est pas encore entamé. Donc il est trop tôt pour donner son point de vue. Ce qui est important c’est qu’il faut indiquer à notre population et à la communauté internationale qu’une véritable rupture a été introduite dans la façon de gérer le pays.

Craignez-vous des tensions communautaires entre l’ex-Bandundu et le grand Kasaï, les fiefs respectifs Martin Fayulu et Félix Tshisekedi ?

L’ancien Bandundu et le Kasaï, c’est un continuum territorial. Ce sont des peuples qui sont condamnés à vivre ensemble. Je ne peux donc concevoir que cette histoire multi-séculaire puisse être compromise par les mauvais calculs des uns ou des autres. Aujourd’hui, on voit effectivement une surchauffe sur cette thématique ethnique et régionale qui est une pente dangereuse. Tout le monde a intérêt à la rejeter. Une telle lutte serait fatale. Aucun camp n’en sortirait gagnant.

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