ICC-Services : jusqu’à 12 ans de prison requis dans « l’affaire Madoff béninoise »
Le procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques (CRIET) a requis la reconnaissance de culpabilité pour la plupart des personnes impliquées, et requis des peines allant jusqu’à 12 ans de prison. Le jugement dans le procès sur ce scandale politico-financier est attendu jeudi.
Après 28 jours d’audience, le procès de « l’affaire Madoff béninoise » touche à son terme. Lundi, le procureur Gilbert Togbonon a livré un réquisitoire sévère à l’encontre des principaux dirigeants de ICC-Services (Investment Consultancy and Computering Services), une structure de placement illégal de capitaux opérant à la manière des systèmes Ponzi qui a réussi à appâter et ruiner des milliers de Béninois. Au centre du dossier, 150 000 victimes, au bas mot, et plus de 150 milliards de francs CFA spoliés (près de 230 millions d’euros).
De 5 à 12 ans de prison requis pour les dirigeants
Le procureur Gilbert Togbonon a requis 12 ans de prison et 150 millions de francs CFA d’amende à l’encontre de Guy Akplogan , PDG de ICC-Services, qu’il accuse d’avoir chapeauté un « système de fonctionnement de la structure » de 2006 à 2010.
Dix ans de prison et 125 millions de francs CFA d’amende ont été requis à l’encontre d’Emile Tégbénou et de Pamphile Dohou, notamment poursuivis pour « association de malfaiteurs », « exercice illégal d’activité bancaire » et « escroquerie avec appel au public ».
Des réquisitions jugées « plutôt clémentes », sur les bancs des parties civiles, au regard des peines prévues par la loi
Contre l’ancien coordonnateur de la Cellule de surveillance des structures financières décentralisées au ministère des finances, Kokou Grégoire Ahizimè, le procureur a réclamé une peine de 5 ans de prison, dont 30 mois ferme, plus une amende de 5 millions de francs CFA.
Le procureur a par ailleurs requis la relaxe pure et simple pour « insuffisance de preuve » pour le pasteur Justin Dimon, ancien conseiller spirituel de l’ex-président Boni Yayi.
Des réquisitions pour la plupart jugées « plutôt clémentes », sur les bancs des parties civiles, au regard des peines prévues par la loi de 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes. Selon ce texte, l’escroquerie avec appel au public est en effet punie d’une peine maximale de 20 ans de prison.
Surtout, c’est le montant des amendes requises qui a surpris, au regard du nombre de victimes – entre 150 000 et 300 000 déposants, selon les estimations – pour un montant de plus de 155 milliards de francs CFA (près de 230 millions d’euros), selon un rapport du Fonds monétaire international en 2010.
Boni Yayi sera appelé à la barre
Démarré le 17 décembre 2018, le procès des dirigeants de ICC-Services devant la CRIET verra encore les plaidoiries des avocats – de la partie civile, de l’État et de la défense – avant de se clore. De sources proches de la Cour, le verdict pourrait intervenir ce jeudi, mais l’on sait d’ores et déjà que l’affaire ne sera pas terminée pour autant.
Le procureur Gilbert Togbonon a en effet annoncé lundi qu’une autre procédure serait engagée contre certains complices et co-auteurs, notamment des personnalités politico-administratives parmi lesquelles l’ex-président de la République, Thomas Boni Yayi, et d’anciens ministres, dont Armand Zinzindohoué et Pascal Koupaki, dont les noms ont été abondamment cités au cours de ce procès historique.
Thomas Boni Yayi « reste serein » et a renouvelé sa « confiance en la justice »
Au Bénin, le président de la République et les ministres bénéficient en effet d’un privilège de juridiction. Aux termes de l’article 136 de la Constitution, ces personnalités sont justiciables devant la Haute Cour de Justice « à raison d’infractions commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ».
Depuis le début du procès, l’ancien président de la République a déclaré qu’il « reste serein » et a renouvelé sa « confiance en la justice ». Ses partisans ne cessent de dénoncer un procès destiné à « l’intimider » et à « l’empêcher de revenir au devant de la scène publique ».
Plus de 150 000 personnes spoliées, dont des dizaines avaient fait le déplacement jusqu’à Porto-Novo, siège de la CRIET, attendent impatiemment la fin du procès pénal et la concrétisation de l’action civile en réparation du préjudice subi, notamment un remboursement intégral des sommes spoliées ou, à défaut, un dédommagement partiel.
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