Madagascar : Andry Rajoelina débute sa présidence en légiférant par ordonnances

Le Parlement malgache a autorisé le 5 février le président Andry Rajoelina à légiférer par ordonnances pendant près de cinq mois. L’opposition dénonce une rupture de la séparation des pouvoirs.

Cérémonie d’investiture d’Andry Rajoelina, le 19 janvier 2019. © AP/Sipa

Cérémonie d’investiture d’Andry Rajoelina, le 19 janvier 2019. © AP/Sipa

Publié le 5 février 2019 Lecture : 4 minutes.

C’est à l’unanimité – 52 voix – que les sénateurs malgaches ont voté le 5 février le projet de loi dont Andry Rajoelina avait tant besoin pour gouverner. L’Assemblée nationale avait déjà voté le même texte le 1er février avec 95 voix pour, 6 contre et une abstention.

« Jusqu’à l’entrée en fonction de la nouvelle Assemblée nationale, il est délégué au président de la République le pouvoir de légiférer par voie d’ordonnances pour la mise en oeuvre de son programme. » Andry Rajoelina jouit à présent d’un horizon législatif dégagé, grâce à cette victoire parlementaire.

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Un échec, en revanche, l’aurait bloqué pendant des mois. Car le mandat des députés se terminait le 5 février, et les prochaines élections législatives ont été convoquées pour le 27 mai par le nouveau gouvernement. Aucune loi n’aurait ainsi pu être engendrée avant juillet. Un véritable souci pour le nouveau président surnommé TGV, qui entend « avancer à grande vitesse » pour réaliser son programme.

Objectifs du gouvernement fixés

Un programme qui s’identifie à la politique générale de l’État, présentée par le Premier ministre, Christian Ntsay, devant l’Assemblée le 4 février, et le Sénat, le lendemain, et déclinée en cinq axes : la gouvernance, l’économie, la sécurité, l’environnement et le social. Le chef du gouvernement a fixé des objectifs finaux tels que la tolérance zéro pour la corruption, le doublement de la production électrique ou encore davantage de moyens pour les forces de sécurité. Charge aux ministres de les traduire en objectifs intermédiaires et en résultats.

Ils pourront compter sur les ordonnances du président, qui devrait prendre une loi de finances rectificative et pourrait légiférer aussi sur le recouvrement des avoirs illicites, ainsi que sur la ratifications de prêts.

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Une mise en oeuvre du programme qui a fait pencher le choix des parlementaires. « Nous avons surtout voté pour ne pas bloquer le fonctionnement de l’État et pour le peuple malgache », déclare à Jeune Afrique la député Masy Goulamaly Marie Jeanne d’Arc. D’autres collègues au sein de l’Assemblée nationale évoquent plus platement une discipline de parti.

Du côté du Sénat, Thierry Raveloson, chef de groupe HVM, se justifie aussi par une volonté de ne pas « bloquer le développement du pays ». Son parti, celui de l’ancien président Hery Rajaonarimampianina, détient 55 sièges sur 63.

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Inquiétude de l’opposition

En revanche, d’autres députés s’insurgent. « Contrairement à la Constitution qui demande un “objet déterminé” pour les ordonnances, “mettre en oeuvre le programme”, c’est très vaste, » pointe à Jeune Afrique la député TIM Hanitra Razafimanantsoa, proche de Marc Ravalomanana. « L’exécutif et le législatif entre les mains du président, cela bafoue le sens même de la séparation des pouvoirs et la démocratie », s’exclame-t-elle.

Le Parlement a d’ailleurs procédé au vote très rapidement. Pour déléguer ses pouvoirs de légiférer pendant environ cinq mois, il n’aura suffi que de deux heures en séance plénière dans chaque chambre, et de travaux de commissions n’ayant débouché sur aucun amendement.

Le président devra néanmoins prendre en considération des garde-fous. La Haute Cour constitutionnelle (HCC) vérifiera la conformité des ordonnances à la Constitution. Et surtout, la nouvelle Assemblée devra les ratifier a posteriori.

Débat autour de l’échéance du 5 février

En attendant, la possibilité de déléguer le pouvoir de légiférer par ordonnances, qui vient de l’article 104 de la Constitution, ouvre aussi un débat. « Cette délégation de pouvoir est illégale, affirme à Jeune Afrique un juriste sous couvert d’anonymat. Selon un principe général du droit, un mandant, le député, ne peut donner un mandat que pour la seule période où il détient le pouvoir qu’il délègue, c’est-à-dire avant le 5 février. Après, le pouvoir de légiférer sera caduc. »

Jean-Éric Rakotoarisoa, président de la HCC, objecte que « c’est le moment de la prise de décision qui compte, avant le 5 février. La délégation de pouvoir est valable pour le futur. »

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Pourquoi le gouvernement précédent n’a-t-il pas convoqué des élections législatives plus tôt ? Contacté par Jeune Afrique, l’entourage du Premier ministre de l’époque, qui était aussi Christian Ntsay, ne donne pas de réponse définitive, mais évoque un contexte de fin 2018 tourné vers la présidentielle.

L’origine du problème tient au découplage des élections législatives et du second tour de la présidentielle, permis par la HCC. Son président justifie cette décision pour donner une « majorité claire au président ». « Les électeurs peuvent choisir les députés en sachant qui est élu », ajoute-t-il à Jeune Afrique. Et en connaissant les premiers pas d’Andry Rajoelina. Ainsi, les futures élections rajoutent encore de l’importance aux premiers mois.

Vers un mode de scrutin proportionnel ?

Les parlementaires ont aussi adopté le 5 février une modification de la loi électorale sur les législatives. Le scrutin repasse sur un mode proportionnel dans les circonscriptions avec plusieurs députés. La HCC devra statuer sur la conformité à la Constitution de cette la loi organique alors que le délai constitutionnel de 15 jours entre le dépôt du texte et son vote n’ont pas été respecté.

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