Disney passe aux Noirs et Blancs

La Princesse et la Grenouille, dernière production de la société hollywoodienne, sera sur les écrans en 2009. Avant de faire rêver les enfants, le film suscite les critiques.

Publié le 25 août 2008 Lecture : 2 minutes.

On connaissait Aladin, ambassadeur du monde arabe, la belle Pocahontas, figure légendaire des Amérindiens, Mulan, digne représentante de la Chine impériale.  Il y aura désormais la princesse Tiana, premier héros noir du monde merveilleux de Walt Disney. Il est vrai que Le Roi lion, sorti en 1994, se déroulait en Afrique. Mais ce continent était réduit à une réserve d’animaux sauvages, vide de toute présence humaine. Tiana n’en était que plus attendue.
En 2007, Walt Disney dévoilait l’histoire de The Frog Princess, un conte qui prend place dans le quartier français de la Nouvelle-Orléans. Il était une fois « une princesse africaine-américaine dont le caractère apporte charme, élégance et grandeur à l’histoire ».
Mais l’enchantement est de courte durée, et l’opération marketing conçue pour conquérir un nouveau marché compromise. Car la communauté noire voit en Maddy (son nom original) un personnage stéréotypé. Le conte de fées se déroule dans les États négriers du Sud des États-Unis, et Maddy (nom que l’on donnait aux jeunes esclaves) est la servante de la fille d’un riche propriétaire terrien. Cela rappelle Cendrillon, dira-t-on. « Oui mais, explique Steve Pope, rédacteur en chef de l’hebdomadaire The Voice, il y a encore bien des susceptibilités autour de cette question. Elle a besoin d’être traitée avec beaucoup de pudeur. » Son journal (« en tête des ventes dans la communauté noire britannique ») avait déclenché la polémique. « Il semble que Walt Disney doive tout reprendre dès le début. Nous aussi nous avons nos rêves et nous ­aimerions qu’ils soient bien représentés », écrivait alors un journaliste.
La société hollywoodienne aurait retouché de nombreux éléments du script pour calmer les critiques. Maddy a désormais pour nom Tiana. Son prince charmant, Naveen, n’est plus blanc ; des rumeurs laissent entendre qu’il serait originaire du Moyen-Orient. Une chose est sûre, le dessin animé ne s’appelle plus The Frog Princess (« La princesse grenouille », allusion à la Nouvelle-Orléans, ville de colons français, surnommés « les mangeurs de grenouilles »). Il a été rebaptisé The Princess and the Frog (« La Princesse et la Grenouille »).
Si la communauté noire se montre si méfiante, c’est que la société Disney, marquée par l’héritage très wasp (White Anglo-Saxon Protestant) de son fondateur, ne s’est jamais distinguée par son ouverture d’esprit. Antisémite notoire, Walt Disney (1901-1966) avait déclenché la fureur des lobbies juifs avec l’adaptation du conte Les Trois Petits Cochons. Dans sa première version, en 1933, le loup, pour amadouer les petits cochons, s’était déguisé en colporteur israélite.
Soixante ans plus tard, en 1993, le père de Mickey Mouse avait rangé son crayon depuis bien longtemps, mais les mêmes reproches ont fusé à la sortie d’Aladin. Les Arabo-Musulmans ont accusé le film de véhiculer une image caricaturale du Moyen-Orient. Dans la version initiale, Aladin chantait par exemple : « Je viens d’un pays lointain, où les caravanes passent et flânent, et où l’on te coupe l’oreille si ta tête ne nous revient pas. »
Aujourd’hui, tous les regards sont tournés vers la princesse Tiana. Steve Pope ne veut pas alimenter davantage la polémique : « Les enfants noirs n’ont jamais eu de figure positive dans laquelle ils pouvaient se représenter. C’est très important qu’ils ne se sentent pas exclus. » Puis, comme une mise en garde : « Espérons que Tiana pourra rétablir cette lacune. »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires