Centrafrique : l’accord de paix signé, mais toujours pas rendu public

L’accord de paix paraphé hier à Khartoum a été signé à Bangui le 6 février, entre le président Faustin-Archange Touadéra et les représentants de 11 groupes armés, trois ayant déjà signé le texte auparavant. Mais le flou qui entoure toujours les termes définitifs de l’accord laisse planer les doutes sur la question de l’impunité.

Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra  lors de la signature de l’accord de paix à Bangui, le 6 février 2019. © Twitter Minusca

Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra lors de la signature de l’accord de paix à Bangui, le 6 février 2019. © Twitter Minusca

Publié le 6 février 2019 Lecture : 3 minutes.

Des berges du Nil Bleu aux rives de l’Oubangui, l’avenir de la Centrafrique s’est peut-être joué. Ce mercredi 6 février a été signé à Bangui un accord qui se veut historique, entre le gouvernement Faustin-Archange Touadéra et les groupes armés, au palais de la présidence. Un compromis trouvé en un temps record – 10 jours à peine – dans la capitale soudanaise, où des négociations sous l’égide de l’Union africaine (UA) avaient lieu depuis le 24 janvier dernier.

>>> À LIRE – Centrafrique : un accord de paix peut-il sortir des négociations de Khartoum ?

la suite après cette publicité

Flou sur la question de l’amnistie et des poursuites judiciaires

Mais le contenu de l’accord n’a toujours pas été dévoilé. Un flou qui entretient toutes les rumeurs, notamment sur les réseaux sociaux. Ce texte, qui constitue selon les mots même du directeur de cabinet du président Touadéra, Firmin Ngrebada, les « réponses apportées aux compatriotes qui avaient fait le choix de prendre les armes », comporte en effet de nombreuses parts d’ombre, à commencer par la question de l’amnistie. Alors que la population centrafricaine avait fait valoir lors du forum de Bangui de 2015, son attachement à la notion d’« impunité zéro », les représentants des groupes armés semblent plutôt confiants quant à une absence de poursuites à leur encontre.

Armel Sayo, porte-parole du Révolution et Justice (RJ), exprime ainsi sa « satisfaction » quant à l’accord signé. « Pour ce qui concerne le contenu, on parle d’abord de la paix, explique-t-il, et second point, on parle de la liberté, et pour ce qui concerne l’amnistie, un mécanisme transitionnel a été mis en place pour accompagner le processus. »

Le vice-président du Mouvement patriotique pour la Centrafrique (MPC) Ahmada Chaïbou précise la mise en place de ce mécanisme de « réparations », confié à « une commission vérité, justice et réconciliation ». Une commission sur laquelle le président Touadéra s’est d’ailleurs longuement appesanti lors de son allocution, après la signature de l’accord, mais qui là encore ne précise rien quant à d’éventuelles poursuites.

Sur la base des informations que nous avons il n’y aura pas de suspension des poursuites judiciaires

la suite après cette publicité

Pas question pour autant de laisser de côté ce volet judiciaire, selon l’ambassadrice de l’Union européenne Samuela Isopi. Si elle estime qu’« une étape très importante du processus de paix a été franchie », elle ne pense pas que l’accord signifie l’arrêt des poursuites. « Nous avons travaillé de façon très étroite avec le gouvernement pour la préparation de ce dialogue à Khartoum (…) et sur la base des informations que nous avons (…) il n’y aura pas de suspension des poursuites judiciaires. »

Lors de son allocution, après la signature de l’accord, le président Touadéra a en effet rappelé que « dans leur plus grande sagesse, toutes les parties au dialogue de Khartoum se sont convenues de réaffirmer le principes de lutte contre l’impunité, pour mettre en avant le triptyque justice, réparations et réconciliation ». La commission en charge de ces travaux devant démarrer ses activités au plus tard avant la fin du premier trimestre 2019.

la suite après cette publicité

Vers une réintégration des membres de groupes armés ?

La question des poursuites est primordiale pour les leaders de groupes armés, qui comptent participer davantage à vie politique du pays. Armel Sayo évoque ainsi une participation des groupes armés qui serait inclue dans le texte.

Je souhaite qu’ensemble nous posions les bases solides d’une nouvelle gouvernance inclusive à tous les niveaux

Cette réintégration de membres de groupes armés à des postes à responsabilité (un certain nombre d’entre eux ayant déjà occupé des postes de ministres par le passé) n’est en effet pas rejetée par le chef de l’État, qui parle de « modernisation de la vie politique centrafricaine ». « Je souhaite qu’ensemble nous posions les bases solides d’une nouvelle gouvernance inclusive à tous les niveaux, a-t-il précisé lors de son discours. Pour cela, nous allons nous investir pour garantir des niveaux élevés de capacité, de compétence et d’intégrité des acteurs. » Le président compte d’ailleurs sur une loi de décentralisation visant à réformer le code sur les collectivités locales pour favoriser ce processus.

Signe de nervosité quant à l’appréciation contenue du texte, devant la multiplication des rumeurs concernant le contenu de l’accord, plusieurs intervenants, dont le représentant du secrétaire général de l’ONU pour la Centrafrique Parfait Onanga-Anyanga, exhortent « à rester sourds au tumulte de tous ceux qui, hors contexte, et dans le confort des réseaux sociaux, travestissent les faits et tentent de manipuler la réalité ». Tant que le texte de l’accord n’aura pas été rendu public, il est cependant à craindre que ces rumeurs continueront de courir.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Contenus partenaires