Belles promesses et dure réalité

Publié le 25 août 2008 Lecture : 2 minutes.

Dans son discours à la nation du 17 août, Mohamed Ould Abdelaziz s’est engagé à réussir là où Sidi Ould Cheikh Abdallahi a échoué. La « fracture sociale », le chef de l’État autoproclamé le 6 août dernier la comblera. Les infrastructures, il les développera. Les investissements étrangers, il les attirera. Douces promesses que la réalité rend illusoires.
Avec 3,3 millions d’habitants et un PIB de 4 milliards d’euros, la Mauritanie que le général prétend « sauver » est étranglée par la pauvreté, qui touche 50 % de la population. Moins d’un quart des Nouakchottois ont un accès direct à l’eau potable. Le pays importe 70 % de ses besoins alimentaires et l’essentiel de sa consommation énergétique. Le fer et la pêche sont quasiment ses seuls produits d’exportation. Le pétrole, exploité au large de Nouakchott depuis février 2006, ne représente guère plus de 10 000 barils par jour. Chaque année, les caisses publiques accusent un déficit : 40 millions d’euros en 2008, pour un budget de 650 millions.

Image ternie

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La junte fanfaronne, mais elle a pris la tête d’un État très dépendant. Et qui risque de le devenir encore plus. Vexés par ce putsch survenu dans un pays dont ils avaient fait un modèle et leur meilleur allié dans une région en proie au djihadisme, les États-Unis ont annoncé une interruption de leur aide, (13 millions d’euros en 2008). La France, premier partenaire bilatéral de la Mauritanie, leur a emboîté le pas en gelant ses projets d’aide publique au développement sur la période 2008-2010 évalués à 100 millions d’euros. L’Union européenne (UE), elle, agite la menace d’une suspension de la coopération d’ici à 2013, dont le montant prévu s’élève à 156 millions d’euros. Entre autres projets de l’UE qui ne verront peut-être jamais le jour, la réhabilitation de la route entre Nouakchott et Rosso (à la frontière avec le Sénégal). L’accord de pêche avec Bruxelles – aux termes duquel Nouakchott doit recevoir 76 millions d’euros par an en échange de l’accès des navires communautaires à ses eaux territoriales – pourrait également être remis en cause. « Je ne vois pas comment nous pourrions être crédibles en gelant l’aide d’un côté et en maintenant cet accord de l’autre », estime un fonctionnaire de la Commission européenne. Quant aux travaux en cours pour le versement, par l’UE, d’un appui budgétaire de 40 millions d’euros – avec un premier décaissement de 10 millions en 2009 -, ils sont suspendus. Autant de manques à gagner qui vont se faire cruellement sentir en cette période de crise alimentaire et de flambée du prix du baril.
En plus de perdre l’aide ­internationale, la Mauritanie voit son image ternie. Depuis la transition démocratique entamée en août 2005, le pays commençait à passer pour stable aux yeux des investisseurs étrangers. « Nous ne savons plus où nous allons, nous limitons nos dépenses », s’inquiète aujourd’hui l’un d’eux, à Nouakchott. Comme beaucoup d’hommes d’affaires locaux, ce dernier redoute que les Ouled Besbah, la tribu du général Ould Abdelaziz, raflent tous les marchés, publics et privés. « Ce sera les Ouled Besbah contre le reste du monde », prévoit un businessman mauritanien actif dans le transport maritime. Selon une source à Nouakchott, des hommes d’affaires auraient déjà commencé à redéployer leurs avoirs à l’étranger.

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